Extrait : Après l'orage

Auteur : Almada Selva
Editeur : Anne-Marie Metailié

Après l'orage

Le mécanicien toussa et cracha quelques glaires.
- Mes poumons sont pourris, dit-il, tandis qu'il passait le revers de sa main sur ses lèvres et se penchait une nouvelle fois sous le capot ouvert.
Le propriétaire de la voiture s'essuya le front avec un mouchoir et glissa sa tête à côté de celle du mécanicien. Il ajusta ses lunettes fines et regarda l'amas de tuyaux brûlants. Puis il regarda le mécanicien, d'un air interrogateur.
- Il va falloir attendre que les tuyaux refroidissent un peu.
- Vous pouvez la réparer ?
- Je pense, oui.
- Et ça va mettre combien de temps ?
Le mécanicien se redressa - il le dépassait d'une bonne tête - puis il leva les yeux au ciel. Bientôt, il serait midi.
- En fin d'après-midi, elle sera prête, je suppose.
- Il faudra que nous attendions ici.
- C'est comme vous voulez. On n'a pas le confort, comme vous voyez...
- Nous préférons attendre ici. Avec l'aide de Dieu, vous allez peut-être finir plus tôt que vous ne le pensez.
Le mécanicien haussa les épaules et sortit un paquet de cigarettes de la poche de sa chemise. Il lui en offrit une.
- Non, non. Grâce à Dieu, j'ai arrêté il y a plusieurs années. Si vous me permettez, vous devriez faire la même chose.
- Le distributeur de boissons est en panne. Mais, dans le frigo, il doit rester quelques canettes, si ça vous dit.
- Merci.
- Dites à la demoiselle de descendre. Elle va étouffer dans cette voiture.
- C'était comment, votre nom, déjà ?
- Brauer. El Gringo Brauer. Et lui, c'est Tapioca, mon assistant.
- Je suis le Révérend Pearson. Ils se serrèrent la main.
- J'ai quelques trucs à finir avant de m'occuper de votre voiture.
- Allez-y, je vous en prie. Ne vous en faites pas pour nous. Que Dieu vous bénisse.
Le Révérend se dirigea vers l'arrière de la voiture où sa fille Leni était assise, furibonde, dans le tout petit espace laissé vacant par les caisses remplies de bibles et les revues qui s'entassaient sur le siège ainsi qu'à ses pieds. Il tambourina contre la vitre. Leni le regarda à travers le carreau recouvert de poussière. Il saisit la poignée, mais sa fille avait verrouillé la portière de l'intérieur. Il lui fit signe de baisser la vitre. Elle ne l'ouvrit que de quelques centimètres.
- Ils vont mettre un peu de temps à réparer la voiture. Descends, Leni. On va boire quelque chose de frais.
- Je suis bien ici.
- Il fait très chaud, mon enfant. Tu vas te sentir mal. Leni remonta la vitre.