Considérations sur la Révolution française

Auteur : Louis de Bonald

Editeur : Independently published

« Dans les États de l’antiquité, il n’y avait qu’une cause de révolutions, l’ambition du pouvoir politique. Dans les États modernes, et depuis le règne public de la vérité par l’établissement du christianisme, il y en a une autre, l’ambition du pouvoir religieux ; je veux dire l’orgueil des doctrines et la domination sur les esprits : cause nouvelle et bien plus active de révolutions, qui ne demande ni armées ni argent, et pour laquelle un homme n’a besoin que de lui-même ; cause bien plus générale et bien plus étendue, parce qu’il y a toujours plus d’esprits capables de séduire, que de caractères assez forts pour dominer ; et Luther ou Voltaire ont asservi plus d’esprits par leurs opinions, que Bonaparte n’a subjugué de corps par ses armes. À peine née dans les écoles, cette ambition a ébranlé ou renversé les gouvernements ; et les révolutions qui agitent l’Europe depuis quatre siècles n’ont pas un autre principe[3] ; parce que la société politique une fois imprégnée de christianisme, si j’ose ainsi parler, et devenue un être moral, n’a pu être sérieusement troublée que par des causes morales. Mais, par cette même raison, les habiles se sont aperçus de la disposition constante qui entraîne les unes vers les autres et porte à s’assimiler ensemble certaines formes de gouvernement et certaines formes de culte, comme la monarchie et le catholicisme, la démocratie et le calvinisme ; et pour dernier résultat, l’athéisme et l’anarchie ; et ont prêché, sous de beaux noms, l’indifférence absolue des religions, pour conduire les esprits, las d’errer dans le vide, à la soumission la plus aveugle pour leurs opinions ; et, toujours aussi avides de pouvoir politique que de domination intellectuelle, tantôt ils se sont servis de la religion pour égarer la politique et tantôt de la politique pour troubler la religion. Nous reviendrons ailleurs sur ce sujet. Je n’ai pas besoin de justifier mes intentions. J’écris sans haine contre les personnes, et, autant qu’il est permis de se rendre à soi-même cette justice, sans prévention pour les choses. Si une vie déjà avancée, consacrée sans distraction à l’étude de ces grandes questions ; si quelque connaissance des hommes et des choses de mon temps ; si aucune préoccupation politique, utre qu’une affection pour mon roi et pour ma patrie ; si le désintéressement absolu de tout espoir d’élévation et de fortune, que j’ai refusée quand elle m’a été offerte, et qui ne se trouve plus, je le sais, sur la route que je parcours, peuvent m’être un garant que je parle de ce que je sais et qu’aucun motif d’intérêt personnel n’a jamais guidé ma plume, je peux présenter cet écrit avec confiance à mes amis et à mes adversaires. Je ne retiendrai pas la vérité captive, pas plus aujourd’hui que je ne l’ai fait dans d’autres temps ; je serais moins malheureux ou moins coupable de l’ignorer. Mais si, contre mon attente et mon intention, cet écrit renfermait quelque chose de répréhensible, plein de respect et de confiance pour l’équité des magistrats, je déclare ici que je renonce formellement à défendre l’ouvrage ou l’auteur. » (Louis de Bonald, Considérations sur la Révolution française.)

Parution : Juillet 2018
100 pages
ISBN : 978-1-7179-7917-9
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