Le bonheur des Belges: roman

Auteur : Patrick Roegiers
Editeur : Grasset

Un héros de onze ans, sans parents ni prénom...
Yolande Moreau en mère assassine...
La bataille de Waterloo reconstituée par une armée de figurants...
La naissance du pays chantée par la Malibran et Jacques Brel...
L'Expo 58, le massacre des Eperons d'or et la victoire au Tour des Flandres...
Vilain Flamand va au diable...
Le réxiste Léon Degrelle se prend pour Tintin...
On érige un « rideau de betteraves »...
L'actualité se précipite...
Le pays disparaît...
Marc Dutroux patine dans un tableau de Bruegel...
Les Belges sont-ils vraiment heureux ?

22,00 €
Parution : Septembre 2012
464 pages
ISBN : 978-2-2467-7921-6
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Extrait

Je vois une maisonnette de briques rouges, à la façade jonquille, à six fenêtres, avec des volets bleus et des bacs de géraniums, qui ressemble à un dessin d'enfant. Est-ce moi qui l'ai fait ? Je m'approche à pas comptés. Il n'y a pas de sonnette ni de nom et la porte d'entrée n'a pas de clinche ni de serrure. Je frappe. Toc-toc-toc. Personne ne répond. J'entre. Quelle charmante maison, me dis-je. Il fait bon ici. Tout est très beau. Que de jolies choses ! Quel cadeau pour les yeux ! Au centre du salon, à côté de bocaux remplis de friandises (dragées, nougats, pralines, sucettes), trône sur un guéridon un gâteau d'amandes, de crème pâtissière, de sucre et de liqueur, avec un petit carton où je lis : «C'est pour toi».

Et soudain retentit une voix terrible.
- Qui est dans la maison ?
- C'est moi, dis-je.
- C'est un lieu sans adresse. Entre.
- Je suis déjà dedans.
- Tu es ici chez toi. D'où viens-tu ?
- D'une autre planète.
- Très drôle.
- Je fais ce que je peux.
- C'est toi qui fais tourner le monde ?
- Il tourne bien sans moi.
- Et c'est à cette heure-ci que tu rentres ?
- Il n'est jamais trop tard.
- Approche donc.

J'avance sans dire un mot, semblable à l'oiseau qui répond à l'appel de l'appeau. Tout à coup elle apparaît. Elle ne porte pas une robe à fleurs, une robe de rêve ou tachée de sang, une robe de mariée ou un sac qui gonfle avec le vent, ni une ample robe mauve et un gilet vert anis aux manches larges, une robe cloche ou une robe à lignes qu'elle a elle-même confectionnée, une robe de Cendrillon du Nord, avec un tablier de femme de ménage, ni une robe extravagante comme Séraphine qui porte aussi une tenue d'internée et peint le rouge avec du sang de porc mêlé à de la cire de cierge, et s'exclame d'une voix forte.

- Ah, te voilà !
- Oui, me voilà.

Et je ne lâche plus un mot. Je la reconnais sous son faux crâne, avec ses pommettes rosies comme des rainettes, ses yeux bleus malicieux, son sourire enfantin, son nez de carotte et sa tignasse acajou, sa robe à rayures et sa sacoche, son accent belge à couper au couteau qu'elle accentue à souhait. Quelle actrice ! Lourde, un peu voûtée, chaude comme une baraque à frites, mégère pistachue, harpie fessue, carabosse hideuse, gorgone glapissante, qui pourrait être Médée, elle est le personnage de son film Quand la mer monte.

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