L'Empire des sables

Alors que l'armée française est engagée au Sahel depuis 2013 dans ce que la terminologie officielle qualifie « d'opérations » ou de « dispositifs », ce livre offre un retour d'expérience original sur les conditions de la conquête et de la gestion des risques dans la zone sahélienne jusqu'aux années 1960. Sommée par la République d'imposer, puis de maintenir, la Pax Gallica dans les marches sahariennes avec (déjà) des moyens humains et financiers dérisoires, l'armée n'a eu d'autre alternative que de s'adapter et d'innover. De facto, les coloniaux se heurtent dans un premier temps à une guerre de type asymétrique, puis à une phase de reconnaissance et de cogestion avec des peuples aux intérêts divergents, le tout dans un espace immense s'étirant de la Mauritanie au Tchad. Qu'à cela ne tienne, les gardiens du limes désertique inventent de toute pièce de nouvelles unités spécialement adaptées aux contextes ethnique, religieux, climatique et sanitaire de cette partie de l'Empire. Pièce maîtresse de l'échiquier, les groupes méharistes réussissent la prouesse d'intégrer dans leurs rangs les ennemis héréditaires que sont les nomades et les sédentaires, puis de mettre un terme aux rezzous (pillages). Désormais, une nouvelle ère s'ouvre, celle de « l'apprivoisement » opéré par les méharistes et les « médecins du bout de la piste ». Alliant la quête du renseignement, notamment contre les risques de radicalisation religieuse, l'exercice de la justice et de la police, sans oublier l'aide médicale apportée aux communautés locales, ils offrent à ces territoires une stabilité qu'ils ne connurent plus ultérieurement.
En rupture avec la vision classique d'une colonisation seulement néfaste, cet ouvrage révèle une autre face de ce processus en s'appuyant sur une documentation inédite extraite des archives de la Guerre de Vincennes et de celles conservées à Dakar. Certes, historique, ce travail n'en demeure pas moins d'une brûlante actualité à l'heure où l'engagement militaire français dans la ceinture sahélienne (actuel dispositif « Barkhane »), bien que victorieux militairement, semble dans l'impasse. Celle-ci procède des rivalités ancestrales opposant les populations noires sédentaires aux nomades héritiers de traditions guerrières. C'est dans cette brèche ethnique et culturelle que s'engouffrèrent les groupes terroristes islamistes au début des années 2000. Plus qu'une simple mise au point d'historien, cet éclairage original livre des clefs de lecture et de compréhension d'un conflit contemporain dont les racines semblent désormais oubliées du plus grand nombre.