Semailles mortelles

Auteur : Alex Berg
Editeur : Ed. J. Chambon
En deux mots...

Jeune étudiant musulman d'origine irakienne, Djamal est parfaitement intégré à la société allemande. Il sort avec Leonie, l'une des filles de Valerie Weymann, l'héroïne de «Zone de non-droit». Un jour, victime d'une altercation avec des jeunes racistes, il se défend. Il est alors arrêté par la police, et c'est la descente aux enfers. Djamal est livré en pâture à des hommes sans scrupules qui se font face : une cellule anti-terrorisme et un jeune djihadiste fomentant une série d'attentats en Allemagne.

Traduction : Jacqueline Chambon
22,80 €
Parution : Mai 2018
330 pages
ISBN : 978-2-3301-0404-7
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Présentation de l'éditeur

Une vague d’attentats s’abat sur l’Europe. Après Paris, l’Allemagne est touchée à son tour. Dans ce climat tendu, toutes les polices et tous les services secrets, aidés par les cellules antiterrorisme internationales, sont sur les dents. Tout laisse à croire que le suspect principal, Yusuf Asmani, introuvable, projette un nouvel attentat, cette fois à Hambourg. Les célébrations de l’anniversaire du port, auxquelles va participer Angela Merkel, lui offrent une occasion idéale de faire des milliers de victimes. Les soupçons des enquêteurs se portent également très vite sur Djamal Khadim, un jeune homme de bonne famille d’origine irakienne qui semble avoir aidé Yusuf Asmani à échapper aux agents qui le surveillaient.

Valerie Weymann, célèbre avocate, n’y croit pas. Convaincue de son innocence – Djamal est le petit ami de sa fille Leonie –, elle va tout mettre en œuvre pour aider le jeune homme. Mais Djamal va se retrouver au centre d’une machination infernale qui le dépasse…

Ce thriller haletant, roman noir de la fabrication d’un potentiel terroriste, pose la question de la manipulation d’esprits qui, fragilisés par un climat pouvant leur être hostile, deviennent des proies faciles pour les djihadistes.

Extrait

C’était le premier après-midi ensoleillé du printemps, et dans les rues du centre de Berlin la chaleur, qui stagnait entre les maisons, se mêlait aux gaz d’échappement des voitures bloquées dans la circulation. Un léger courant d’air procurait cependant un certain soulagement à Djamal Khadim qui, à l’ombre d’un porche, attendait de voir sortir de l’immeuble de la Charité la silhouette frêle de sa mère.
« Comment s’est passée ta journée ? » dit-elle en tournant vers lui ses grands yeux noirs dont le regard aimant mais scrutateur avait toujours lu en lui comme dans un livre ouvert depuis qu’il était en âge de penser. Sahar Khadim ne s’en laissait pas conter par ses enfants et encore moins par le deuxième à qui elle avait toujours accordé une attention particulière, même si elle prenait garde à ne pas le montrer.
« Je n’ai pas eu de chance aujourd’hui, dit Djamal en lui prenant le bras. Je me suis sans doute levé du mauvais pied. »
Sahar secoua la tête. « La chance est comme un djinn. Ça lui est bien égal de quel pied tu te lèves. Mais il faut lui faire signe, Djamal. »
Elle lui tâta la poitrine. « Tu portes toujours l’amulette que grand-mère t’a donnée ? »
Djamal sourit. Sa mère était une femme cultivée, rationnelle, elle avait été élevée en Allemagne et avait fait des études, mais il lui arrivait de parler comme une Irakienne illettrée des rives du Tigre.
« Et comment s’est passée ta journée ? » demanda-t-il pour détourner la conversation.
Elle le regarda d’un air malicieux, comme chaque fois qu’elle le perçait à jour, et il se demanda comment ses patients supportaient cela.
« Ma journée a été comme toujours bien remplie, répondit-elle en revenant instinctivement à l’arabe. Une consultation après l’autre... »
Pendant qu’ils descendaient la rue, il écoutait le son de sa voix sans vraiment prêter attention à ses paroles. D’aussi loin qu’il pouvait se souvenir sa umm était médecin à la Charité. Enfant, il avait détesté le vieil hôpital de la Charité. Il était jaloux qu’elle perde son temps avec tous ces gens au lieu de s’occuper de lui. Il ne s’était pourtant jamais plaint. Mais l’activité que déployait sa mère quand elle restait chez elle la rendait encore plus inaccessible que le faisait son absence. C’est sans doute pour cela qu’à plus de vingt et un ans il jouissait encore de l’avoir pour lui tout seul au lieu de la partager avec ses frères et sœur, son père, les grands-parents et tous les autres. C’est pour cela aussi que, parfois, après la fac, il venait la chercher pour aller prendre un café avec elle et discuter de problèmes familiaux ou des nouvelles du jour.
Ils étaient parvenus à la hauteur du musée d’Histoire naturelle quand un flot d’enfants avait déboulé en courant. Djamal était si occupé à les éviter tout en prêtant une oreille distraite à ce que disait sa mère qu’il ne vit les jeunes types qui arrivaient en face que lorsqu’ils bousculèrent violemment sa umm. Elle perdit l’équilibre et serait tombée s’il ne l’avait pas rattrapée à la dernière minute. Furieux, il leur cria : « Ça va pas ? Où vous vous croyez ? » Les deux jeunes s’arrêtèrent et lui jetèrent un regard méprisant. Ils avaient à peine quelques années de moins que lui.
« T’as vu ça, le bougnoule sait parler allemand », lança moqueusement l’un des deux, un grand échalas en short trop large et coiffé d’une casquette de base-ball.
L’autre, le nez déjà cassé au milieu de sa face camuse, cracha ostensiblement devant les pieds de Djamal. « C’est un trottoir allemand pour des citoyens allemands. Fous le camp dans ton pays à toi ! » Sous son tee-shirt moulant, ses muscles étaient tendus.
Djamal serra les poings. Depuis l’afflux des réfugiés à Berlin, il était sans arrêt en butte à ce genre d’hostilités. La plupart des gens parvenaient à cacher leur pensée mais d’autres l’exprimaient ouvertement comme ces deux-là. « Je suis aussi allemand que toi ! répliqua-t-il les dents serrées.
– Mais pas la salope. Où elle a mis son foulard ? Elle l’a oublié, ou quoi? » Il fit un pas vers la mère de Djamal et leva la main comme s’il allait la bousculer de nouveau.
D’un mouvement rapide, Djamal se mit entre eux et repoussa le jeune. « Fous le camp ! Et en vitesse ! »
Le type lui envoya un coup de poing.
Le coup atteignit Djamal à l’estomac. Il en eut le souffle coupé et il mit un certain temps avant de le retrouver, puis il fut aveuglé par la colère. Il frappa à son tour. Le jeune vacilla. Du sang s’échappa de son nez.
« Foutu étranger de merde, hurla l’autre d’une voix stridente. Je vais te montrer ! Attends un peu que je te renvoie chez toi !
–Ah oui? cria Djamal, approche donc, espèce de grande gueule. Je vais te montrer à quoi ça ressemble mon chez-moi ! »
À cet instant il s’aperçut que les enfants étaient toujours là et qu’ils les regardaient. Sa mère, paniquée, retint son bras. « Djamal, arrête ! Laisse-les partir ! Sois raisonnable, je t’en prie. Ils sont ivres. » Il se dégagea d’un geste brusque. « Ce n’est pas une raison pour les laisser nous insulter, siffla-t-il hors de lui. S’ils ne tiennent pas l’alcool, qu’ils arrêtent de boire.
– Je t’encule », hurla le premier en essuyant le sang qui coulait de son nez et en revenant vers Djamal.
« Monsieur Khadim ? »
Djamal tenta de s’éclaircir les idées, en vain. Devant lui se tenait un agent de police qui n’avait pas l’air plus vieux que lui.
Où étaient passés les deux agresseurs ? Où était sa mère ?

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