Les frontières de l'humain

Auteur(s) : Henri Atlan, Frans De Waal
Editeur : Editions le Pommier

Les chercheurs d'aujourd'hui nous livrent, simplement, clairement, l'état de leur savoir.

L'intelligence et la culture ne suffisent pas à caractériser l'humain. Espèce parmi les espèces, nous partageons avec tous les vivants une histoi commune, des mécanismes communs, que les chercheurs expérimentent de plus en plus finement.
La tradition philosophique est contredite depuis un siècle par la biologie : la vie a changé de statut.
Les dernières découvertes établissent une continuité graduelle entre le non-vivant et le vivant.
De la même manière, les récents travaux en éthologie brouillent la frontière entre l'humain et le non-humain.
Comme les chimpanzés et les bonobos, nous sommes les héritiers d'une longue lignée d'animaux sociaux. Il nous incombe cependant d'établir de nouvelles barrières de nature morale, sociale ou juridique, afin d'éviter de nouvelles formes d'inhumain.

6,90 €
Parution : Mai 2007
Format: Poche
110 pages
ISBN : 978-2-7465-0335-9
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Extrait

Les frontières revisitées
Henri Atlan

D'anciennes barrières sont tombées. De nouvelles frontières doivent être établies. Nous avons pendant longtemps distingué assez facilement les êtres animés des êtres ou choses inanimés ; et, parmi les premiers, les êtres humains des animaux et des végétaux. Mais le XXe siècle a été témoin d'une accélération des connaissances et des performances techniques jamais vue auparavant, notamment - mais pas uniquement - dans les sciences du vivant.

Cette accélération a modifié non seulement nos conditions matérielles d'existence, mais encore et peut-être surtout les représentations que nous nous faisons du monde, de nous-mêmes et des choses qui nous entourent. Les anciennes classifications ont perdu de leur pertinence. Des distinctions que l'on croyait bien établies, des limites que l'on croyait infranchissables sont supprimées ou au moins déplacées, sans que l'on sache jusqu'où. En particulier, la notion même d'humanité, qui distinguerait l'humain du non-humain, semble être devenue plus problématique qu'elle ne l'était autrefois.
Mais on sent bien qu'il y a là une grande confusion, qu'entretient un va-et-vient incessant entre des notions relativement récentes produites par les sciences biologiques - gène, cellule, évolution génératrice d'espèces animales (dont l'espèce humaine)... - et des notions plus anciennes qui ne les recouvrent pas - vie, embryon, conscience, humanité... Les définitions anciennes ne sont plus pertinentes ; les définitions nouvelles sont évolutives et, en outre, problématiques, car elles suivent l'état des connaissances, qui se modifie sans cesse.

Les incidences de la biologie

Cette confusion vient, entre autres, du fait que, pour la première fois, la science biologique permet de faire des artefacts. Autrefois, seules la physique et la chimie permettaient de fabriquer des objets artificiels, machines de toutes sortes ou produits synthétiques. La biologie, elle, était surtout science d'observations. Elle est devenue aujourd'hui biotechnologie, en fabriquant des objets artificiels vivants - objectif explicite de ce que l'on appelle «biologie de synthèse». Il existe déjà des animaux transgéniques, chez lesquels un gène provient d'une autre espèce.
C'est là qu'il faut faire attention au vocabulaire que l'on emploie. Certains, emportés par l'enthousiasme que suscite chez eux des souris synthétisant des protéines humaines parce qu'on leur a transféré des gènes humains, parlent, à tort évidemment, de «souris humanisées», comme si le gène transportait avec lui une partie d'on ne sait quelle essence de l'homme, en oubliant qu'il n'est en fait qu'un fragment d'ADN, c'est-à-dire de molécule.

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