Le Syndrôme d'Ulysse

Auteur : Santiago Gamboa
Editeur : Anne-Marie Metailié

Paris est toujours un merveilleux fantasme pour les jeunes écrivains latino-américains, Esteban vient y étudier la littérature, mais il y découvre aussi la pluie, le froid, la solitude et la plonge dans le sous-sol d'un restaurant coréen. Il rencontre d'autres émigrés, coréens, marocains, latino-américains, roumains, africains, tous porteurs d'une histoire qu'ils nous racontent avec sincérité. Tous jeunes, désespérés, inventifs et sans le sou, ils trouvent le salut dans leur solidarité, leur amitié, et se raccrochent à l'unique chose qui leur prouve leur humanité : le sexe. À travers lui, ils se retrouvent égaux et peuvent croire un instant que tout peut changer. Esteban est un amoureux maladroit, sincère et volage, qui souffre de la jalousie et de l'abandon tout en pratiquant avec enthousiasme une vie érotique échevelée et drôle qui le conduira à ce pour quoi il est venu à Paris, l'écriture.

Romancier traitant avec une infinie tendresse ses personnages ballottés dans un monde de misère et de désespoir, Santiago Gamboa se place à l'ombre de Henry Miller pour nous raconter avec distance et un humour exceptionnel ces Jours tranquilles dans un Paris moderne au coeur de la mondialisation. Un roman prenant, juste, plein d'énergie vitale, et magnifiquement écrit.

21,50 €
Parution : Août 2007
368 pages
ISBN : 978-2-8642-4617-6
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Extrait

À l'époque, la vie ne me souriait pas vraiment. Elle me faisait même la grimace, presque un rictus. C'était au début des années 90. Je vivais à Paris, la ville des voluptés peuplée de gens prospères, ce qui n'était pas mon cas. Loin de là. Ceux qui étaient entrés par la porte de service, en enjambant les pou­belles, avaient une vie pire que les insectes et les rats. Et comme rien, ou presque, n'était prévu pour nous, le plus clair de notre alimentation se réduisait à des envies absurdes. Nous commencions toutes nos phrases par : "Quand je serai..." Un Péruvien du restaurant universitaire avait déclaré : "Quand je serai riche, je ne vous adresserai plus jamais la parole." Peu après, on l'arrêta pour vol dans un supermarché. Il s'était pourtant appliqué, mais la caissière poussa un cri d'horreur (que j'oserais qualifier de "cinématographique") en le voyant, car d'épaisses gouttes rouges ruisselaient de ses cheveux. Il avait dissimulé deux barquettes de viande de boeuf sous la capuche de son imperméable, mais il avait trop attendu et le sang avait traversé le plastique. À compter de ce jour, sa phrase devint : "Quand je serai riche, je nagerai dans le sang frais." Par la suite, j'ai appris qu'on l'avait interné dans un asile et je le perdis de vue.
On n'entendait pas grand-chose dans mes poches (pour qu'une pièce tinte, il faut qu'il y en ait au moins deux), ce qui m'avait obligé à louer une chambre de neuf mètres carrés qui ne donnait même pas sur la rue, sous les combles d'un immeuble de la rue Dulud, commune de Neuilly-sur-Seine, une banlieue pleine de familles riches, d'automobiles élégantes et de boutiques de luxe. Quand on est pauvre, il est déconseillé de s'entourer de gens riches. Je ne vous le recommande pas. Ça porte malheur et ça laisse un goût amer, mauvais pour la santé. Quand on est pauvre, il vaut mieux s'entourer de pauvres. Croyez-moi.

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