Cyrano de Bergerac : Dans tous ses états

Auteur(s) : Laurent Calvié, Collectif
Editeur : Anacharsis

On l’a dit fou, impie, rationaliste et athée ; mais aussi dramaturge provocateur et philosophe moraliste, poète fantasque et rigoureux physicien, soldat exemplaire et ferrailleur ombrageux, amoureux délicat de dames hautaines et homosexuel notoire ; on l’a dit provincial, il était de Paris, on l’a dit libertin, on l’a fait s’amender ; on l’aurait vu à Toulouse, en Pologne, ou au Canada, et il affirme être allé sur la lune : une épée lui a passé au travers de la gorge, il a, seul, fait reculer cent hommes, il n’aimait pas qu’on lui rappelle son nez et il est mort à trente-cinq ans.

(JPEG) La vie de Cyrano de Bergerac, quelle qu’elle ait pu être, a été engloutie, anéantie et magnifiée dans un mythe littéraire. Les textes réunis ici exposent la matière de ce mythe ; matière dense, qui prend son origine chez ses contemporains, dès après sa mort : son pieux ami Le Bret, d’abord, préfacier de l’édition posthume de ses États de la lune et du soleil, qui trace malgré lui, par des omissions et des retouches dues à un excès de zèle dévot, les premiers contours d’une personnalité ambiguë ; les Lettres sur les sorciers de Cyrano de Bergerac lui-même augmentent le trouble du lecteur ; et Dassoucy, son ami public, devenu son ennemi intime, dans un texte drolatique, ne lui reconnaissant pour toute bravoure que d’avoir su occire un singe en combat singulier, un jour d’été sur le Pont-Neuf, complète la mosaïque du thème mythique de Cyrano.

Viendront ensuite les variations. Après Molière, Fontenelle, Voltaire ou Swift, dont certains des plus grands chefs-d’œuvre furent inspirés par les écrits de Cyrano de Bergerac, voici la cohorte des romantiques, grands nostalgiques de la littérature nationale et gauloise, dont ils veulent faire renaître le style libre, alerte et capricieux : c’est Charles Nodier qui, dans sa maturité, convoque en jugement la postérité de Cyrano ; c’est le jeune Théophile Gautier qui s’enthousiasme pour le matamore et l’écrivain ; c’est l’érudit Paul Lacroix, alias le Bibliophile Jacob, qui, tout à la manie philologique de la critique conjecturale, enrichit le mythe de déductions qu’il croit positives. Le masque dramatique est prêt et Edmond Rostand n’aura plus qu’à en parer notre homme pour le transfigurer en capitan de légende dont la verve poétique transforme le long nez en panache. S’opposant à l’image selon lui dégradante que véhicule cette véritable marionnette, Remy de Gourmont, enfin, qui a lu les morceaux encore inédits des œuvres de Cyrano, le débarrasse de ses oripeaux romantiques et romanesques, ainsi que de certains de ses attributs naturels, et fonde, au début du XXe siècle, le nouveau mythe du Vrai Cyrano de Bergerac...

N’est-ce pas celui que l’on poursuit encore ? On prendra cela comme on voudra : Cyrano, c’est de la littérature !

16,00 €
Parution : Octobre 2004
237 pages
ISBN : 978-2-9147-7716-2
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