Terrains d'écrivains : Littérature et ethnographie

Littérature et ethnographie.

Ce livre emménage des regards croisés, dispose des jeux de miroirs qui réfléchissent l’anthropologie à l’épreuve de la littérature – et inversement. Car, ce qui fait l’anthropologie, c’est d’abord le terrain, et, à l’autre bout de la production du savoir, l’écriture. Or il est aujourd’hui de bon ton de revenir sur cette part suspecte du mélange des genres, et de se satisfaire du postulat selon lequel tout ne serait plus que littérature : y compris, au premier chef, l’ethnologie, commodément positionnée comme un livre ouvert ordonnant, en catégories bien lisses, les rugosités du monde. Adieu voyages, tout a été dit.
Afin de tester cette présomption du tout littéraire, douze anthropologues se sont rendus sur les terrains variés de douze écrivains, abordant ces figures du panthéon littéraire en collègues. Dans le désordre, Montaigne, Pouchkine, Flaubert, Camus, Céline, George Sand, Virginia Woolf, Montherlant, Lamartine, Nerval, Rimbaud et Rudyard Kipling ont été sollicités.
Et à visiter ainsi l’atelier d’écriture de chacun d’eux, l’on découvre en effet une expérience du dehors, une façon de s’exposer au-devant des choses et des personnes, le souci de l’observation, du questionnement, de la documentation, une volonté en somme, si modeste soit-elle, de mener l’enquête – en Orient, en Éthiopie, en terre cosaque, dans le Berry rural, dans la société vicorienne at home ou dans l’Empire des Indes. Et le matériau ainsi assemblé par les écrivains porte trace de ce qui souvent disparaît chez les ethnologues : la composante personnelle de l’investigation, la part du hasard, les frustrations ou les avanies dans les rencontres. En sorte que l’élaboration de l’oeuvre littéraire, paraît procède bien à une volonté de traduire, dans sa complexité, sa vérité et son émotion, l’expérience vécue du dépaysement.
Sous la direction de Alain Bensa et François Pouillon.