Inspection

Auteur : Josh Malerman
Editeur : Calmann-Lévy

Il existe une école isolée dans la forêt, coupée du reste du monde.
Là-bas, vingt-quatre garçons, tous orphelins, sont formés à devenir des génies, sans jamais qu’on leur dévoile l’existence du sexe opposé.
J est le seul élève persuadé qu’on leur cache quelque chose.
De l’autre côté de la forêt, dans une école en tout point similaire, K, orpheline élevée exclusivement entre filles, se pose elle aussi des questions.
Mais quel est le but des adultes qui dictent les règles de ces instituts ?
J et K mènent l’enquête, chacun de leur côté.
Ils vont se trouver.
Et révéler les horribles secrets de leur univers clos.

21,90 €
Parution : Septembre 2020
656 pages
ISBN : 978-2-7021-6744-1
Fiche consultée 23 fois

Extrait

Aucun garçon n’avait jamais échoué à une Inspection.
J n’éprouvait donc aucune anxiété lorsque, devant lui, la porte d’acier s’ouvrit sur les visages de la Parentalité. Les Inspecteurs étaient adossés contre le mur du fond, une main sur la loupe accrochée à leur ceinture. J avait suivi cette procédure chaque matin de son existence, aussi loin que remontaient ses souvenirs, et malgré les théories de Q relatives aux probabilités (il estimait que quelqu’un devait finir par échouer, pour justifier une vie entière d’Inspections), J ne ressentait aucun doute, aucune crainte, aucune peur.
— Entre, J, lui lança Collins, l’Inspecteur le plus guindé, le plus vieux, le plus costaud de tous.
Il émanait de lui une odeur de manuels scolaires poussiéreux. Son ventre pendait tellement par-dessus sa ceinture que D, pour plaisanter, disait qu’il gardait un Garçon Alphabet caché dedans. « C’est de là que nous venons », avait-il suggéré un jour. Mais tous les Garçons Alphabet savaient qu’ils venaient du Verger, qu’ils avaient poussé sur les Arbres Vivants.
— Allez, viens, insista Collins.
C’était un miracle que sa moustache touffue laisse passer le moindre mot.
Mais l’Inspecteur ne parlait pas en son nom, J le savait.
P.È.R.E. devait avoir donné le signal qu’il était temps de commencer.
Sous les ricanements de L, D et Q dans son dos, J s’exécuta ; il ôta son pyjama, le plia soigneusement et le déposa sur la table d’appoint en acier située à l’entrée de la Salle d’examen. Alors que la porte se refermait derrière lui, D lança :
— T’aurais dû prendre une douche, J !
Celui-ci le désigna du doigt, le geste des Garçons Alphabet signifiant : T’es un crétin, mon frère.
Une fois la porte verrouillée et ses vêtements bien empilés, J vint se positionner sur les deux empreintes de pas en caoutchouc incrustées dans le sol d’acier. L’hiver approchait – peut-être même allait-il s’abattre sur eux dès le lendemain. Et si J appréciait le Tournoi des effigies autant que ses frères, il aimait garder le froid à l’extérieur. La Salle d’examen était sans doute la pièce la plus glacée de toute la Tourelle.
— Tourne-toi, fit l’Inspecteur Collins, avant de l’observer de loin en compagnie de Jeffrey – la première étape coutumière de l’Inspection matinale.
Les chiens respiraient fort derrière la porte vitrée. J se tourna sur sa gauche, entendit s’étirer le cuir de la veste rouge de P.È.R.E. Toujours hors de vue, celui-ci avait dû croiser les bras ou changer de position sur sa chaise.
L’hiver pouvait être rude à l’extérieur de la Tourelle. Certaines années étaient pires que d’autres. À l’instar de ses vingt-trois frères, J approchait de son treizième anniversaire, et avait connu douze saisons de froid. Et chaque fois, le professeur Gulch mettait les garçons en garde contre la dépression ; contre la solitude résultant du fait de rester coincé dans une tour de dix étages, quand le Verger et la Cour se couvraient de givre et que même les pins ne semblaient pas capables de survivre jusqu’au printemps.
Hystérie, songea J. Il secoua la tête, dans une vaine tentative de faire sortir l’idée de son oreille. C’était là un mot qu’il n’aimait guère avoir sous son crâne. Comme si ces trois syllabes avaient les mêmes propriétés que « purules » et « moisures », « vairs » et « nécrotiques ». Les maladies que les Inspecteurs recherchaient sur lui en cet instant.
— Tourne-toi.
Collins, encore. Sa voix bourrue faisait partie intégrante de la Salle d’examen. Comme les bruits de vaisselle à la cafétéria. Ou les voix chorales de ses frères dans la Salle des corps.

Informations sur le livre