Mastroianni-sur-Mer
Editeur : Passage du Nord-ouest
" Le jour où l'on décide de lire uniquement des choses que l'on comprend, on commence à se faire vieux. Il importe de rester sur le qui-vive, d'opérer un choix de lectures pointu, de chercher des textes nouveaux ou différents et de se pencher sur eux sans crainte, quand bien même ils nous paraîtraient incompréhensibles, quand bien même nous serions surpris de découvrir qu'une nouvelle agence de voyages a ouvert sur la perspective Nevski.
Sans risque, la grande fête du lecteur est incomplète. "Seule pouvons-nous appeler bonne littérature, dit Félix de Azùa, cette écriture qui crée un lecteur nouveau, et n'est pas une répétition en chaîne." La grâce de la lecture consiste ainsi à lire ce qui nous semble incompréhensible, car n'oublions pas que la première fonction de l'art est d'étonner, de rompre nos habitudes de lecteurs et, à la lumière d'un compartiment, de remettre à neuf ce qui est vieux. La lecture rajeunit, et cela est peut-être l'argument le plus convaincant pour que les gens lisent. Tout le monde ne le sait pas mais le langage vieillit rapidement en nous, et seuls les écrivains que nous aimons le renouvellent. Lire, à l'instar du rajeunissement, procure un certain plaisir festif instinctif, offre comme une seconde nature.