Couverture du livre : Les Palimpsestes

Avis sur le livre : Les Palimpsestes

Le « syndrome de l’écrivain étranger » est cette curieuse maladie qui frappe les auteurs écrivant dans un autre idiome que leur langue maternelle. Aleksandra Lun, qui le définit avec beaucoup d’humour dans Les Palimpsestes en est manifestement atteinte puisque, polonaise et traductrice polyglotte, elle écrit en espagnol depuis la Belgique où elle vit. Le même mal ronge le héros de ce livre loufoque : Czeslaw Przesnicki, un Polonais interné dans un asile psychiatrique de Liège. Il a écrit un premier livre raté en langue « antarctique » et doit se soumettre à une thérapie « bartlebienne » de réinsertion linguistique. Dans ce premier roman étourdissant, d’une drôlerie imparable, Aleksandra Lun se joue des replis nationalistes susceptibles d’affecter la littérature. Incorporant au récit une galerie d’écrivains ­ (Nabokov, Beckett, Cioran, Conrad, Karen Blixen ou encore Agota ­Kristof) s’exprimant eux aussi dans une langue d’adoption, cette satire enlevée oppose la fraîcheur de leur regard et de leur verbe à la rigidité d’une société qui serait figée, jalouse de son patrimoine. Ces inclassables Palimpsestes, basés sur de savoureuses répétitions de motifs, d’obsessions et de situations absurdes, disent le plaisir et la nécessité de transgresser les convenances et les frontières : un ébouriffant geste littéraire.

Le Monde des Livres