Extrait : Maman a tort

Auteur : Michel Bussi
Editeur : Presses de la Cité

Maman a tort

Aéroport du Havre-Octeville,
vendredi 6 novembre 2013, 16 h 15

Malone sentit ses pieds décoller du sol, puis juste après, il vit la dame derrière la vitre. Même si elle portait un costume violet, un peu comme les policiers, elle avait un visage rond et des lunettes rigolotes. Dans sa cabane transparente, elle ressemblait à une dame qui donne des tickets de manège.
Il sentait les deux mains de maman trembler un peu à le tenir ainsi en équilibre.
La dame le regardait droit dans les yeux, puis se tournait vers maman, puis les baissait vers les petits carnets marron qu'elle tenait ouverts entre ses doigts.
Maman lui avait expliqué. Elle vérifiait leurs photos. Pour être sûre que c'était bien eux. Qu'ils avaient bien le droit de prendre l'avion.
Sauf que la dame ne savait pas où ils allaient. Où ils allaient vraiment.
Lui seul était au courant.
Ils s'envolaient pour la forêt des ogres.

Malone posa ses mains sur le rebord de la cabane pour aider maman à le porter sans qu'il glisse. Il regardait maintenant les lettres accrochées à la veste de la dame. Bien entendu, il ne savait pas encore lire, mais il était capable d'en reconnaître quelques-unes.
J... A...N...

L'hôtesse fit signe à la femme devant elle qu'elle pouvait reposer le petit. D'habitude, Jeanne faisait moins de zèle. Surtout ici, dans ce petit aéroport du Havre-Octeville qui ne comptait que trois guichets, deux tapis roulants et un distributeur de café. Mais depuis le début de l'après-midi, l'équipe de sécurité s'agitait, du parking au tarmac. Tous mobilisés pour une partie de cache-cache avec un fugitif invisible, dont il était d'ailleurs particulièrement improbable qu'il passe par ce trou de souris aérien.
Peu importait. La commandante Augresse avait été explicite. Afficher les photos des types et de la fille sur les murs du hall, et mettre en garde chaque douanier, chaque membre du service de sécurité.
Ils étaient dangereux.
L'un des deux types surtout.
Braqueur, d'abord. Assassin, depuis. Multirécidiviste, d'après l'alerte lancée sur tout le réseau de la police régionale.
Jeanne se pencha un peu en avant.
- Tu as déjà pris l'avion, mon petit bonhomme ? Tu es déjà parti aussi loin ?
Le gamin fit un pas de côté pour se cacher derrière sa mère. Jeanne n'avait pas d'enfants. Elle jonglait avec des horaires à la con à l'aéroport et c'était un excellent prétexte pour que son faux cul de copain botte en touche quand elle évoquait la question. Pourtant, elle savait s'y prendre avec les mômes. Plus qu'avec les mecs, souvent. Les mômes, c'était ça, son don ; les apprivoiser. Les mômes et les chats.
Elle sourit à nouveau.