La Teuf. Essai sur le désordre des générations

Traditionnellement, la fête était un temps de compensation et de respiration dans une vie de travail contraignante et omniprésente. Pour une partie croissante de la jeunesse actuelle (soit sans doute plus d'un million de garçons et de filles aujourd'hui), elle désigne une tout autre expérience : un état durable, un mode de vie et de relation aux autres et à soi-même, où se joue moins une compensation des fatigues et des contraintes de la vie active, qu'un oubli du monde, une suspension du cours ordinaire des travaux et des jours.
Pour eux, la fête est devenue « déjante » ou « défonce » et se caractérise par une recherche d'expériences extrêmes et de mise en danger de soi (consommation de grandes quantités d'alcool et de divers stupéfiants, conduite de nuit à grande vitesse...). Ces vertiges nocturnes peuvent connaître des issues dramatiques ; ils introduisent en tout cas dans l'univers de la fête l'ombre de pulsions destructrices qui tranchent avec l'imaginaire et les rituels qui dominaient jusqu'ici.
D'autant que ces nouvelles pratiques festives ne sont pas le monopole d'une catégorie particulière de jeunes, mais essaiment au contraire dans la presque totalité des groupes sociaux, des plus démunis aux mieux lotis, du jeune ouvrier intérimaire à l'étudiant d'une école supérieure de commerce.
Fondé sur une vaste enquête de terrain réalisée dans de nombreuses villes de France, ce texte décrit et interprète un phénomène émergeant et encore mal identifié. S'y dessinent certains des symptômes les plus clairs et les plus préoccupants du désordre des liens et des repères générationnels qui caractérisent notre temps.