La guerre des classes
«La guerre des classes existe, c'est un fait, mais c'est la mienne, la classe des riches, qui mène cette guerre, et nous sommes en train de la remporter.»
C'est Buffett qui a formulé ce jugement. La première fortune mondiale. Et c'est une évidence, sans doute, en cette époque où un «marché du luxe en forte croissance» côtoie «les émeutes de la faim».
Une banalité, même, dans une France où le CAC 40 annonce des «profits record» et des «dividendes record» tandis que, d'après l'INSEE, les salaires stagnent depuis trois décennies, avec des employés recrutés en CDD, en intérim, dont on rogne jusqu'aux incertaines retraites. Sauf qu'il a fallu, justement, un Warren Buffett pour la dénoncer.
Jamais nous n'aurions osé, nous, prononcer ces mots, «guerre des classes» : par crainte de paraître «archaïques», «simplistes», «manichéens». Et, avec nous, c'est toute une gauche qui s'autocensure, qui s'émascule, qui se noie dans le salmigondis de la «complexité». Toute une gauche avec des eunuques pour chefs, les Valls, les Peillon, les Royal, les Delanoë, les Lang, les Rocard, les Strauss-Kahn, etc. Tous ces pleutres qui déguisent leur lâcheté en «courage», leur renoncement en «audace», et qui causent de «rénovation», de «modernisation», de «refondation» pour mieux masquer leurs trahisons.
Leur abandon d'une tradition où, de Jaurès à Mitterrand, le conflit capital/travail divisait le monde sans chipoter.
François Ruffin a donc mené l'enquête dans le camp des vainqueurs et dans celui des vaincus, du polo sur glace de Megève au Vimeu industriel, des gros actionnaires de LVMH aux petites mains de la haute couture. Mais il a surtout poursuivi ses recherches dans les partis, parmi les militants, dans les discours socialistes - dont il révèle ici le vide sidéral. C'est un livre original qui se découvre alors, mêlant reportages sociaux, analyse économique, réflexion politique, recul historique - porté par une écriture toujours incisive.