L'homme qui assassinait sa vie

Dans son officine rongée par l’humidité et hantée par les cloportes, Gus Carape, détective privé à Bordeaux, disjoncte. Pas un client. Les amours s’étiolent. Le niveau des eaux et la pile des factures montent. Bien que sermonné par l’obèse commissaire Kowalski, le tendre émule de Phil Marlowe est prêt à tout pour un peu de soleil et beaucoup d’argent... Recraché par un train, feutre trempé sur la tête, un inconnu débarque Gare Saint-Jean. L’homme recouvre la liberté au bout de trois ans de prison. C’est un type brisé qui marche sur le pavé mouillé des ruelles mal famées du Port de la Lune. Trompé par se femme, grugé par les créanciers, abandonné par ses amis, rejeté par les siens, il a la rage au coeur. Il descend dans un hôtel de passe. Il achète un revolver à un receleur espagnol. De bar en rade, il demande à l’alcool et à des inconnues de le délivrer de son obsession meurtrière. La nuit, sous la pluie, il rôde. Il parle au fantôme de sa mère. Il claque son fric avec des êtres interlopes. Il vomit sa propre déchéance. Qui est-il, celui qui a été riche et puissant? Qui est-il, celui qui s’avance en habits de clochard mais que les femmes du monde reconnaissent comme leur ancien séducteur? Qui est celui qui a été marié trois fois à des créatures superbes et qui fut un temps le gendre du Président? Qui est-il, celui qui faisait et défaisait les politiques, qui brassait des affaires, qui collectionnait les toiles de maître? Qui est-il enfin, celui qui, plutôt que de réintég rer la brasse du fric et le monde privilégié d’où il vient, s’embarque dans sa Mercedes et décide d’assassiner sa vie?