En mer

Auteur : Toine Heijmans
Editeur : 10/18

Las du quotidien de sa vie de bureau, Donald décide de partir naviguer seul pendant trois mois en mer du Nord. Maria, sa fille de sept ans, le rejoint pour la dernière étape qui doit les ramener du Danemark aux Pays-Bas, où ils retrouveront sa femme. Mer étale, complicité entre le père et la fille: la traversée s'annonce idyllique. Mais rapidement, les nuages noirs se profilent à l'horizon, et Donald semble de plus en plus tourmenté. Jusqu'à cette nuit cauchemardesque où Maria disparaît du bateau alors que la tempête éclate...

6,10 €
Parution : Septembre 2014
Format: Poche
168 pages
ISBN : 978-2-2640-6077-8
Fiche consultée 29 fois

Extrait

Je n'avais pas vu les nuages. Ils ont dû se rassembler dans mon dos. Ils ont dû s'avancer sur ordre de Dieu sait quoi. Les voilà qui voguent en rangs serrés devant l'étrave. Des galets plats, gris ardoise dans le ciel. Un gigantesque mobile fait de nuages, comme il y en avait un autrefois, suspendu au-dessus de son berceau
Les nuages assombrissent le matin. Ils privent la mer de lumière. Pendant des heures la lune a éclairé les vagues et veillé sur le voilier comme une lampe de chevet. Mais maintenant la lumière est éteinte et je me retrouve seul.
Il faudrait que le matin se lève. Il faudrait plus de lumière.
Mais il fait de plus en plus sombre, comme si le bateau retournait s'enfoncer dans la nuit. Comme si j avais le choix : reculer ou avancer. Retourner au début du voyage, ou continuer jusqu'à la fin. Mais je n'ai pas le choix. Je ne suis plus maître à bord.
Il faut que je regarde la carte. Il faut aussi que je boive quelque chose, mais je ne retrouve plus le thermos de thé. Et pourquoi la boussole ne répond-elle plus ? Pourquoi dois-je me concentrer sur des choses que je fais d'habitude sans réfléchir ?
On dirait que les nuages sont accrochés à du fil de pêche : des ovales flottants, énormes. Il va pleuvoir. C'est ce qu'ils disent. Et avec la pluie vient le vent, en violentes bourrasques. Tout ça est à la fois prévisible et imprévisible.
Il faut d'abord que j'amène les voiles, question de sécurité. Le vent va les déchirer. Ensuite, il faut que je me préoccupe de l'orage tapi dans les nuages. Je l'entends gronder, au loin. Bientôt les éclairs vont tomber, en longues torsades, à la recherche d'un endroit où frapper.
Dans les ports où j'ai mouillé, j'en ai entendu, des histoires de voiliers frappés par la foudre. Ils se fendent par le milieu. Prennent feu. La foudre touche le sommet du mât et une milliseconde plus tard la coque et tout, absolument tout à bord est détruit.
Toujours les mêmes histoires, répétées par d'autres marins. Je ne connais personne qui ait vraiment été frappé par la foudre. Pourquoi mon bateau intéresserait-il les éclairs ? Il est trop petit ; le mât ne fait pas quinze mètres au-dessus de l'eau. Une goutte dans la mer. Ça n'a aucun sens de frapper mon bateau. Mon bateau n'a aucune importance.
Je descends dans la cabine, à la recherche de mon téléphone portable. Il faut que je le planque dans le four, dont la cabine du voilier est équipée. Dans le port de Thyboron, j'ai rencontré un pêcheur qui faisait pareil. La foudre n'a pas besoin de frapper pour tout détruire, disait ce pêcheur. La charge électrique d'une pluie d'orage suffit à abîmer les choses : Everything breaks down, you know. Seul le four est sûr. Le four est une cage de Faraday. Le seul endroit où rien qui vienne de l'extérieur ne pénètre.

Informations sur le livre