Le Massacre de Katyn : Crime et mensonge
"Le 13 avril 1943, lAllemagne nazie révélait au monde une découverte des plus inquiétantes, celle de plusieurs milliers de cadavres assassinés et enterrés dans le bois de Katyn, en Biélorussie. Remarquons demblée le terrible paradoxe que représente cette exhumation, cette «mise en lumière» dun crime dÉtat par un régime qui fit tant disparaître dinnocents dans «la nuit et le brouillard». Le processus de dévoilement mit toutefois près de cinquante années pour aboutir, et il fallut attendre 1992 pour que du crime, on découvre officiellement - le coupable Les morts de Katyn semblent sêtre noyés dans le gouffre des millions de victimes des divers massacres et génocides : leur sort fut pourtant des plus sordide si lon considère quau crime matériel sest substitué pendant plus de quarante années un crime de mémoire [...] dans ce qui fut lun des plus répugnants «trocs» idéologiques, lAllemagne livra en 1939 à lURSS près de 14 000 soldats et officiers polonais (tandis que lURSS livrait 43 000 polonais, mais également des communistes allemands détenus dans des camps soviétiques). Quelques milliers dofficiers particulièrement rétifs à laide soviétique furent internés dans trois camps, Kozielsk, Starobielsk et Ostachkov, et soumis à la pression du NKVD : interrogatoires et contre-interrogatoires, harcèlement psychologique, propagande lourde, bref, un traitement à des milliers de lieues des conventions internationales sur les prisonniers de guerre. Durant lhiver 1940, la décision dexécuter est prise : au final, seuls 448 officiers ont survécu, le reste ayant disparu ou, comme le suggère Staline au général polonais Anders, devenu bien malgré lui son allié, ayant fui au hasard dans la steppe russe La mécanique du mensonge se met en place et trouve son chemin vers Nuremberg, via la conférence de Moscou de 1943 : la culpabilité allemande est un objectif prioritaire et dans le contexte de la guerre, les Alliés sont prêts à céder sur de nombreux points. Nuremberg entérine donc un mensonge fondé sur des expertises fantaisistes, ce dont les démocraties occidentales sont pleinement convaincues. Mais tout cela relève du secret d'État, dans un climat «de complicités et dindifférence». (Gilles Ferragu, maître de conférences à luniversité Paris X Nanterre et à lIEP de Paris.)