Critique, N° 723-724 : Ethique et esthétique de la corrida

Auteur : Collectif
Editeur : Minuit

Dès sa naissance, la corrida a inspiré artistes, poètes et théoriciens. La revue fondée par Georges Bataille devait tôt ou tard lui consacrer un numéro spécial. Car la pauvreté de la pensée qui se répand sur la corrida est indigne de son histoire et de ses effets - esthétiques et éthiques. Parce qu'elle n'est ni un sport, ni un jeu, ni un sacrifice, qu'elle est plus qu'un spectacle et moins qu'un rite, qu'elle n'est pas tout à fait un art ni vraiment un combat, elle emprunte à toutes ces pratiques, qui sont la culture même, et en fait un tout original en les poussant hors d'elles-mêmes. Elle rend la tragédie réelle, parce qu'on y meurt tout de bon, mais rend la lutte à mort théâtrale parce qu'on y joue sa vie en costumes de lumière. D'un jeu, elle fait un art parce qu'elle n'a d'autre finalité que son acte ; d'un art elle fait un jeu parce qu'elle rend sa part au hasard. Spectacle de la fatalité et de l'incertitude, où tout est imprévisible et l'issue connue d'avance. Art paradoxal, elle fait rêver les arts (cinéma, peinture, danse, littérature). Objet insaisissable, elle provoque la pensée (histoire, anthropologie, philosophie).Ce numéro « Éthique et esthétique de la corrida », issu d'un colloque à l'École normale supérieure (décembre 2005) et dirigé par Pedro Cordoba et Francis Wolff, comportera des contributions de Ada Ackerman, José-Carlos Arévalo, Jean-Loup Bourget, Yves Charnet, Pedro Cordoba, Christian Delacampagne, Vincent Delecroix, Jacques Durand, Araceli Guillaume-Alonso, Annie Maïllis, Frédéric Pouillaude, Daniel Royot, Francis Wolff.A l'occasion de la sortie de ce numéro spécial de Critique, on rappellera aux libraires : Georges Didi-Huberman, Le Danseur des solitudes (collection « Paradoxe », 192 pages, 15 €, ISBN 2.7073.1958.6, chrono 87097)"J'ai vu, un jour, dans les Alpujarras, un oiseau immobile dans le ciel. C'était un petit rapace. Son corps, à mieux y regarder, esquissait bien quelques gestes infimes : juste ce qu'il fallait pour demeurer dans le ciel en un point aussi précis qu'intangible. Sans doute était-ce le sitio convenable pour bien guetter sa proie. Mais il lui avait fallu, pour cela même, renoncer à voler vers un but, ne surtout pas " fendre l'air ", tout annuler pour un temps indéfini. C'est parce qu'il s'était placé contre le vent - parce que le milieu, l'air, était lui-même en mouvement - que le corps de l'oiseau pouvait ainsi jouer à suspendre l'ordre normal des choses et à déployer cette immobilité de funambule, cette immobilité virtuose. Voilà exactement, me suis-je dit alors, ce que c'est que danser : faire de son corps une forme déduite, fût-elle immobile, de forces multiples. "Il ne s'agit, dans ce livre, que de regarder et de décrire philosophiquement, autant que faire se peut, un grand danseur de baile jondo, Israel Galván. Il s'agit de reconnaître dans son art contemporain un art de " naissance de la tragédie ". Il s'agit d'écouter son rythme et de reconnaître dans ses mots - au moins trois d'entre eux : la jondura ou " profondeur ", le rematar ou l'art de " mettre fin " et le templar, intraduisible - de grands concepts esthétiques que notre esthétique ignore encore.

13,00 €
Parution : Septembre 2007
ISBN : 978-2-7073-2008-7
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