Presque un mélo

Une jeune femme tombe amoureuse d'un homme qui lui téléphone assidûment sans qu'elle l'ait jamais rencontré. L'histoire est racontée par ses collègues de bureau, spectateurs et confidents de cette folle passion. C'est l'histoire folle d'un amour fou et aveugle, qui tourne à la dépendance par l'entremise d'un combiné téléphonique. A. ne connaît pas son interlocuteur, il l'a appelée une première fois en pleine nuit et téléphone depuis si régulièrement que, quand il ne le fait pas, il lui manque terriblement. Peu à peu, l'existence entière de la jeune femme s'organise autour de cet inconnu : elle ne sort plus de chez elle, de peur de rater un appel, elle ne téléphone à personne, pour ne pas que la ligne soit occupée... Elle essaie de deviner qui, parmi son entourage proche ou lointain, pourrait être l'individu mystère, se persuade que c'est un homme rencontré dans un club de gym, se ridiculise en lui demandant, en pleine rue, de se démasquer... C'est l'histoire d'une femme jeune et jolie qui perd pied, obnubilée par une relation étrange et dérangeante ; c'est l'histoire d'une passion aveugle par nécessité, de deux personnes qui s'enivrent de mots d'amour et de confidences sans se rencontrer, l'histoire d'un désir violent né de paroles, de voix et de mystère - un désir assouvi à distance parce que c'est peut-être le seul moyen de tout oser. Jusqu'à ce que la belle exige une rencontre...Le récit de cette aventure intime est paradoxalement assumé par une voix collective, celle des collègues d'A., qui se racontent l'histoire, la commentent, y ajoutant des anecdotes de leur propre vie personnelle, d'autres de la vie du bureau... dans un style remarquablement enlevé qui porte la patte de la dramaturge qu'est l'auteur. Comme si cette liaison scandaleuse devenait le point de mire de tout le choeur, pour ce qu'elle révèle de solitude, de besoin d'amour et de sentiment d'abandon de chacun. Comme si cette transgression des bonnes moeurs et de la "normalité" créait à la fois la fascination, l'envie, la sympathie au point de devenir l'histoire de tous, qui se l'approprient collectivement, en dépossédant son héroïne.