Willem De Kooning : Oeuvres Ecrits Entretiens

Quand le jeune Néerlandais Willem De Kooning débarque aux États-Unis, en 1926, son projet est plus de "faire fortune" que de s'imposer comme le représentant majeur d'une avant-garde picturale. Pourtant il contribue dès ses débuts à l'émergence de l'expressionnisme abstrait, adhérant aux conceptions de la nouvelle école américaine par le rejet de la narration, dans un geste pictural qui convoque le corps entier, et l'impulsion autant que le calcul. Ses œuvres sont du reste marquées par ces "contre-forces", où l'élan le dispute à la pensée, la formation académique à la recherche d'une forme qui s'en serait affranchie. Il est tout à la fois cet artiste qui jette sur la toile l'immédiateté de son geste, et celui qui reprend incessamment son travail, grattant, retouchant, rendant visibles les repentirs, mettant à nu la gestation de l'œuvre. Il est aussi un "renégat" : cinq ans après sa première exposition personnelle (1948), et désormais reconnu, il surprend par un violent retour à la figuration. Une série de Women voit le jour, des femmes brossées à grands coups de pinceau cinglants. Pendant plus de soixante ans, cette alternance et intrication des deux manières caractérise sa démarche, à travers une production de figures biomorphiques et d'abstractions comme gagnées par une dimension paysagiste de plus en plus éthérée. De Kooning écrivain est à n'en pas douter le premier peintre théoricien de l'époque post-moderne. Au fil de conférences organisées à l'initiative de Bernett Newman, ou au Studio 35 à New York en 1949 et 1950, il expose avec une rare clairvoyance son déni de tout style, son aversion pour toute norme. De manière existentielle, il oppose au "confort de la pure forme" (néo-plasticisme de Mondrian, constructivisme, suprématisme) la perte des repères, l'instabilité et le déséquilibre auquel est condamné dorénavant l'artiste mesure de toute chose.