LINOIS, le vengeur d'Aboukir

Lorsque la nouvelle de la victoire d'Algésiras parvient en France, la marine ne peut recevoir plus bel hommage des efforts déployés depuis la bascule imposée de la Révolution. Mieux encore, elle vient venger l'affront de Nelson subi par l'escadre de l'amiral Brueys à Aboukir le 1er août 1798 et qui restait un véritable traumatisme pour tous. Le public découvre un officier de marine dont le nom avait surtout été associé aux désastres héroïques de la République. Sa vie est pourtant un roman d'aventures qui l'a amené à se mesurer à de nombreuses reprises à la Royal Navy, l'ennemi héréditaire. Fort de cette nouvelle aura, il reçoit un commandement prestigieux dans les mers de l'Inde, théâtre évident où l'Empire projette de mettre à mal la perfide Albion. Sa déchéance s'inscrit alors dans cette perspective, telle une agonie lente et douloureuse, sur les chemins de l'opprobre. L'échec du convoi de Chine et sa mésintelligence avec le général Decaen lui vaudront de tomber dans l'oubli de la captivité, après avoir fait trembler le commerce anglais en océan Indien.
Son parcours symbolise à lui seul celui des officiers de marine n'appartenant pas au Grand corps, qui auront su composer avec les turpitudes d'une époque troublée. Véritable combattant glorifié par Algésiras, il devient l'« anti-héros », subissant les foudres de l'Empereur et des opinions publiques françaises comme britanniques. Victime de ce que l'on pourrait qualifier de lynchage médiatique avant l'heure, Linois, personnage animé par un sens élevé de l'honneur, aura bien des difficultés à s'en relever. En accédant à l'homme sous l'uniforme, au travers de ses reflexions, l'homme apporte ici son témoinage exceptionnel, avec ses doutes et sa souffrance, mais sans se déparer d'une abnégation sans faille pour faire face aux tours du destin.