Auschwitz en héritage

Auteur : G. Bensoussan
Editeur : Mille et une nuits

La Shoah suscite aujourd'hui un sentiment de trop-plein et de saturation (déjà à l'œuvre en 1946, ce que l'on ignore généralement). En parle-t-on trop ou mal ? La question politique, esquivée, laisse la place à un lamento éploré. Ainsi évite-t-on d'interroger les structures de pensée d'un monde occidental, et germanique au premier chef, qui a conduit à ce désastre. L'histoire de la Shoah, présentée et affadie sous la forme d'une religion civile (couplée au culte des droits de l'homme), induit l'idée erronée d'une parenthèse barbare. Or, Auschwitz n'est pas l'aboutissement de l'" intolérance " ni même du seul antisémitisme. Mariage de l'archaïsme et d'une certaine modernité, cette catastrophe demeure impensable sans référence au darwinisme social et racial, à l'eugénisme négatif, à l'impérialisme, au colonialisme et au racisme comme politique d'Etat, à la substitution enfin du biologique et de l'économique au politique. Comprendre le cheminement qui mène à Auschwitz ne revient ni à absoudre les criminels, ni à légitimer le crime, ni même à tourner la page. Interroger les phénomènes de mémoire collective autour de la Shoah (en particulier en France, aux Etats-Unis et en Israël), c'est montrer comment la mémoire, parce qu'elle sélectionne les faits, est un enjeu politique. Qu'elle est par conséquent souvent vaine, comme l'a montré le génocide des Tutsis du Rwanda (1994) au moment même où les Etats-Unis - qui refusèrent d'intervenir - venaient d'inaugurer à grands renforts lyriques de " Plus jamais ça ! " l'Holocaust Memorial de Washington... A mille lieues de l'idéologie de la victime et du compassionnisme, il s'agit de proposer une autre leçon d'histoire : en réhabilitant le questionnement historien et politique, en interrogeant les liens de la culture et de la barbarie.

10,20 €
Parution : Octobre 2003
300 pages
ISBN : 978-2-8420-5736-7
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