Les chevaliers teutoniques

"À l'époque où Acre était assiégée par l'armée des chrétiens et où elle fut libérée des mains des infidèles grâce à l'aide de Dieu, des hommes des cités de Brême et de Lübeck, conduits par le zèle de Dieu à accomplir des oeuvres de miséricorde, fondèrent un hôpital derrière le cimetière Saint-Nicolas [...]" 1198, un nouvel ordre militaire vient de voir le jour en Terre sainte.Si les Hospitaliers et les Templiers sont connus du grand public, au prix parfois de légendes saugrenues et tenaces, la "maison de l'hôpital des Allemands de Sainte-Marie de Jérusalem", véritable nom de l'Ordre teutonique, est peu évoquée en France. Elle fait l'objet de jugements encombrés de clichés dépréciatifs, que sa véritable histoire ne justifie guère.Les séquences du superbe film d'Eisenstein, Alexandre Nevski - inspirées, mais volontairement orientées - ont imprégné les esprits, et la légende, moins belle en l'occurrence que la réalité, a supplanté cette dernière. On se plaît trop souvent à voir dans ces "chevaliers Teutoniques" une force au service de l'expansion germanique vers l'Est, farouches combattants de Dieu, évangélisateurs brutaux maniant plus facilement le glaive que le missel dans les confins germaniques. De fantasmes en interprétations fallacieuses, on ignore en général leurs réalisations politiques ou économiques.
De leur naissance en Terre sainte à nos jours, Sylvain Gouguenheim retrace l'épopée de ces moines soldats drapés dans leur manteau à croix noire, conquérants, colonisateurs et bâtisseurs, devenus de véritables princes temporels avec leur État de Prusse et leur capitale à la Marienburg. S'appuyant sur une riche documentation, souvent inédite, en particulier avec pour la première fois traduits en français de très nombreux extraits des sources du temps (chroniques de l'Ordre, textes législatifs, correspondance des grands maîtres, rapports des espions...), il entraîne le lecteur dans une chevauchée haletante. Sous les remparts de Saint-Jean-d'Acre, en Baltique, à Tannenberg, sur les glaces du lac Peïpous comme en Sicile, une étude passionnante de l'Ordre allemand, dans la lignée de Vie et mort de l'ordre du Temple d'Alain Demurger.