La prière de l'écrivain

Toute prière - murmurée ou hurlée, chantée ou récitée, litanique ou improvisée - dénude, ressource, désarme et rapproche de l'essentiel. La prière déjoue la mécanique des habitudes, des habillages institutionnelles, des médiations captatrices. Et Gide, que l'on ne croirait pas expert en la matière, peut écrire : « La prière est la forme oratoire de l'âme. » Et l'on saisit dès lors le lien secret unissant prière et littérature.
Les études réunies ici s'interrogent à travers l'œuvre de plusieurs écrivains - Racine, Balzac, Hugo, Baudelaire, Huysmans… - sur la façon dont la forme de la prière peut stimuler la création littéraire, mais aussi la réflexion sur le processus créateur. L'écrivain peut dire sa prière de croyant en mettant son art au service de ce qu'il célèbre ou demande. L'écriture n'a plus sa fin en elle-même, mais fait un pas au-delà. Mais l'écrivain sans foi peut aussi donner à sa pensée, à ses aspirations secrètes, ou à ses pleurs, une forme de prière. Et la parole humaine retrouve bien là sa vocation première : celle d'appeler dans le noir.
Ainsi au cœur des détresses les plus profondes, des incroyances les plus opiniâtres, dès lors qu'il y a écriture, n'y a-t-il pas appel et acte de foi ? Jetée en désespoir ou en connaissance de cause, toute œuvre littéraire ne peut-elle être lue comme une prière ?