Revue d'histoire de la Shoah : Le Travail du mal

Auteur : Collectif
Editeur : Somogy

Le 16 janvier 1945, Michel Pachter goûte son premier jour de liberté au milieu des soldats de l'Armée Rouge. «En me réveillant la nuit», raconte-t-il, «je découvre un soldat affalé à côté de moi avec sa mitraillette. Ne pouvant me rendormir, j'ai passé le reste de la nuit à les caresser, lui, tout comme son arme qui possédait 72 balles, calibre 9 mm. J'ai pris la mitraillette et l'ai bercée dans mes bras. le n'oublierai jamais ce sentiment de bonheur de serrer cette mitraillette sur ma poitrine décharnée.»

Une gorgée suffit pour savoir le goût de la mer comme un seul récit suffit parfois à faire entendre le fond de la souffrance humaine. C'est l'un de ces textes que nous donnons à lire, rédigé en Suisse il y a plus d'un demi-siècle, par un survivant juif de Varsovie, Miecin (Michel) Pachter.

Voici le mal radical, l'abandon et la violence extrême, le sadisme sans frein déchaîné dans le crime de guerre, ces «wagons-cercueil» où les victimes sont entassées à cent cinquante, ces cheminots polonais qui vendent de l'eau contre de l'or et qui, l'or empoché, jettent l'eau sur le ballast.

Voici des individus cliniquement normaux avant comme après le meurtre, sans psychopathie marquée ni anormalité psychique secondaire après les tueries. Voici des «hommes ordinaires» qui se sont rapidement adaptés à ce qu'on leur demandait de faire. Ce n'est pas tant de «banalité du mal» dont il s'agit ici que d'un processus de travail du mal au terme duquel le psychisme élabore un mécanisme qui rend possible la perpétration de l'horreur.

Parution : Novembre 2002
230 pages
ISBN : 978-2-8505-6585-4