Démocratie athénienne, une affaire d'oisifs ? : Travail et participation politique au IVe siècle avant J.-C.

IVe siècle avant J.-C.
Auteur : Saber Mansouri

Editeur : André Versaille

Remettre l’Athénien et l’autre – esclave, affranchi, étranger, métèque, femme – au travail et au cœur du jeu politique de la démocratie athénienne classique est sans doute une idée scandaleuse aux yeux de Platon, et des historiens modernes fascinés par la voix philosophique atemporelle du Maître, celui qui rédigea La République, Les Lois et Le Banquet. Et pourquoi ?
Longtemps considérés comme des sujets exclusivement non politiques (histoire économique, histoire du travail, représentations figurées), les artisans et les commerçants apparaissent dans cet ouvrage comme des sujets et des acteurs politiques. Athènes n’est certes pas une république d’artisans. Elle n’est pas non plus une république de commerçants, mais cette nuance ne doit pas négliger le fait que ces catégories sont concernées, voire impliquées dans la vie politique athénienne du IVe siècle. La notion d’homo politicus, chère à Max Weber, apparaît fragile pour qualifier le citoyen athénien.


Aborder la question du travail et de la citoyenneté nécessite d’aller au-delà du discours qui émane principalement des agathoi. La démarche positiviste qui consiste à laisser parler un certain type de textes, ne peut nous conduire qu’à reproduire des idéaux-types qui vont de l’homo politicus citoyen et de son mépris à l’égard du travail manuel aux non-citoyens travaillant pour/et à la place de ces mêmes citoyens. En revanche, se fonder sur une documentation variée impliquant plusieurs manières de voir et différents discours est une démarche qui nous permet de faire la distinction entre l’idéal et la réalité/la pratique : textes historiques, orateurs attiques, inscriptions et données archéologiques.


Quittons le discours des intellectuels athéniens, la réalité athénienne est autre. Pour les citoyens travaillant eux-mêmes, le rapport à la politique se limite aux participations aux réunions des assemblées, des tribunaux et à la participation aux guerres. Il est fort probable que la participation de cette catégorie dépasse largement celle des paysans. Contrairement à ce qu’affirme Xénophon, à travers les propos de Socrate, dans les Mémorables, cette présence massive des citoyens artisans et commerçants ne peut pas être considérée comme un signe de déclin de l’agora et de la politique. Les citoyens de la ville, et notamment parmi eux les artisans et les commerçants, sont aussi très impliqués dans l’espace politique informel qui complète, accompagne et, dans certains cas, concurrence l’espace politique officiel puisqu’il devient parallèle. Grâce à cet espace politique informel, le monde urbain apparaît comme un monde très informé par la chose politique/publique, mais aussi privée, au point qu’Aristophane le figure dans ses comédies comme un monde politisé et versatile. Outre les débats qui apparaissent au sein des institutions politiques, nos sources, particulièrement les orateurs attiques, font apparaître cet espace comme un lieu complémentaire de débat et de batailles politiques et sociales. L’agora est l’espace politique dans lequel naît une certaine démocratie d’opinion. Il est difficile de conclure, à la suite de Platon, d’Aristote et de Xénophon ou d’un Pseudo-Xénophon, au déclin de la démocratie athénienne, car ce régime politique, avec ses assemblées, ses tribunaux et sa marine, était dominé par les gens de métier, en particulier les citoyens artisans et commerçants. Plus difficile encore est de penser au déclin à cause du nombre de plus en plus important de dirigeants politiques issus de l’artisanat et du commerce.

25,30 €
Parution : Mars 2010
269 pages
ISBN : 978-2-8749-5019-3