Les Cahiers noirs, journal 1905-1922

Auteur : Marcel Sembat
Editeur : Viviane Hamy

Drôle de journal, vraiment, que ces Cahiers noirs. Drôle de socialiste aussi que ce Marcel Sembat qui y révèle tant de visages inattendus. Drôle d’histoire, enfin, qui veut qu’il ait fallu près d’un siècle, au cours duquel son auteur faillit presque disparaître de la mémoire commune, pour qu’un tel texte puisse enfin être édité à partir du manuscrit original.
Mais qui en entreprend la lecture découvrira une manière singulièrement ouverte de penser l’existence individuelle et sociale, ambition dont l’activité politique ne serait en définitive que la résultante. La liberté, l’ampleur, les audaces d’une telle attitude pourraient bien expliquer le rare ascendant qu’exerça cette personnalité hors normes comme la perplexité dans laquelle elle laissa la plupart de ses contemporains ou la difficulté de l’époque qui suivit à en conserver la juste trace. Si bien que les raisons mêmes qui, face aux plus grandes inquiétudes de notre temps, redonnent une fraîcheur inespérée à nombre de ses approches, seraient en définitive celles-là mêmes qui l’auront, d’abord, condamné à une sorte de semi-oubli.
Car qui se souvient encore de Marcel Sembat ? Tout le monde, plus ou moins. Et, à vrai dire, à peu près personne.
Présent en notre temps, l’homme le reste sous la forme familière que perpétuent, dans une assez exacte cartographie des municipalités socialistes de l’entre-deux-guerres, nombre de rues, d’avenues, de centres scolaires "Marcel-Sembat" auxquels s’ajoute, à Boulogne, la notoriété inégalable d’une station de métro. Mais un autre constat s’impose vite. Les générations présentes continuent sans doute à identifier, fut-ce de façon vague, "Léon-Gambetta" à la fondation de la République, "Jules-Ferry" à celle de l’école publique, "Jean-Jaurès" à la tradition socialiste française ou "Jean-Moulin" à la lutte contre l’occupant. En revanche, si son nom reste confusément associé à la tradition progressiste, on ignore le plus souvent ce qui put valoir à Sembat d’être encore désigné à l’attention civique, la légende socialiste elle-même n’hésitant pas le plus souvent à sauter directement de Jean Jaurès à Léon Blum.
Pourtant un parcours fréquent pour les nouvelles élites républicaines - le journalisme, le barreau, l’initiation maçonnique… – avait conduit ce modeste fils d’un receveur des postes, né en 1862 à Bonnières-sur-Seine, à reprendre dès 1892 La Petite République, quotidien fondé par Léon Gambetta, pour en faire le premier organe où s’expriment toutes les tendances socialistes, à être élu l’année suivante député du 18e arrondissement. Ayant alors fait sienne la filiation blanquiste du Comité révolutionnaire central de l’ancien communard Édouard Vaillant, il se montre l’un des artisans les plus actifs du processus qui conduit en 1905 à l’unification des partis socialistes puis s’impose par un éblouissant talent d’éditorialiste et d’orateur aux tout premiers rangs des dirigeants de la jeune Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO).

29,50 €
Parution : Octobre 2003
832 pages
ISBN : 978-2-8785-8254-3