Tribulat Bonhomet

Editeur : Absalon (Editions)

« Sur un fond de spéculations obscures empruntées au vieil Hegel, s’agitaient des êtres démantibulés, un docteur Tribulat Bonhomet, solennel et puéril, une Claire Lenoir farce et sinistre, avec des lunettes bleues, rondes et grandes comme des pièces de cent sous, qui couvraient ses yeux à peu près morts. [...] Toute l’ordure des idées utilitaires contem-poraines, toute l’ignominie mercantile du siècle, étaient glorifiées en des pièces dont la poignante ironie transportait des Esseintes. »
J.-K. Huysmans, A rebours

Abrutir les pauvres par la boisson ; éliminer les artistes à des fins de « purgation sociale » ; « guérir » les impénitents sous prétexte d’hygiène ; telles sont les ambitions de Tribulat Bonhomet.
Fervent zélateur du positivisme, cynique doublé d’un philistin, médecin malgré nous, le bon docteur Bonhomet est plus que jamais notre contemporain.
message:Pourquoi rééditer Tribulat Bonhomet ?
Publié en 1887, ce recueil de cinq nouvelles, dont la fameuse « Claire Lenoir », n’était plus disponible. Vendu au prix modique de 13,50 €, ce petit volume de 168 pages, dont le format vertical de 13 x 21 cm et la mise en page aérée rendent la lecture particulièrement agréable, devrait permettre de faire (re)découvrir un texte injustement oublié et terriblement d’actualité.
Protagoniste de chacune des nouvelles, le Docteur Bonhomet, amalgame du Homais de Madame Bovary et du Joseph Prudhomme de Henri Monnier, est présenté tantôt comme un bourgeois stupide doublé d’un misogyne, tantôt comme un cynique d’une cruauté confondante, le plus souvent comme un esprit positiviste à toute épreuve. Sous-couvert de scientisme et d’un hygiénisme flirtant avec l’eugénisme, il ira jusqu’à préconiser des mesures d’éradiction, d’éviction et d’élimination des individus, voire des groupes « déviants », à travers lesquelles Villiers non seulement s’emploie à fustiger le pharisaïsme de son siècle, mais s’avère un véritable visionnaire.
Parallèlement à son positivisme débridé, la spéculation métaphysique, inspirée par la lecture de Hegel, est un autre domaine particulièrement apprécié du « bon » Docteur Bonhomet. Les joutes oratoires qui l’opposent au mysticisme des époux Lenoir, à leur goût pour le magnétisme et le spiritisme, sont l’occasion pour Villiers de brosser des scènes d’une irrésistible drôlerie où, comme chez Poe, le cocasse et le burlesque le disputent sans cesse au macabre.