Vers les étoiles

Auteur : Mary Robinette Kowal
Editeur : Denoël
En deux mots...

Récit d’une conquête spatiale digne de L’Étoffe des héros, Vers les étoiles a reçu les prix les plus prestigieux de la science-fiction : Prix Hugo, Prix Locus, Prix Nebula, Prix Sidewise.

Traduction : Patrick Imbert
24,00 €
Parution : Octobre 2020
560 pages
ISBN : 978-2-2071-5916-3
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Présentation de l'éditeur

Une femme. Une mission. Sauver le monde.

1952. Une météorite s’écrase au large de Washington, dévastant une grande partie de la côte Est des États-Unis et tuant la plupart des habitants dans un rayon de plusieurs centaines de kilomètres. Par chance, Elma York et son mari, Nathaniel, en congé dans les Poconos, échappent au cataclysme et parviennent à rejoindre une base militaire.
Elma, génie mathématique et pilote pendant la Seconde Guerre mondiale, et Nathaniel, ingénieur spatial, tentent de convaincre les militaires que la météorite n’a pu être dirigée par les Russes. Mais, ce faisant, ils découvrent que la catastrophe va dérégler le climat de manière irréversible et entraîner, à terme, l’extinction de l’humanité.
Seule issue : l’espace. Une coalition internationale lance un programme spatial de grande envergure… inaccessible aux femmes. Elma compte pourtant bien y prendre part et devenir la première Lady Astronaute.

Extrait

Où étiez-vous quand le météore est tombé? Vous vous souvenez? Je n’ai jamais vraiment compris ces questions. Bien sûr, vous vous en souvenez. Moi, j’étais à la montagne, avec Nathaniel. Son père lui avait légué son chalet, on s’y rendait pour observer les étoiles. Pour faire l’amour, en clair. Oh, ne jouez pas les offusqués. Nathaniel et moi étions jeunes mariés, en parfaite santé, et les seules étoiles que je contemplais me tapissaient l’intérieur des paupières.

Si j’avais su que les étoiles disparaîtraient, j’aurais passé beaucoup plus de temps dehors, avec le télescope.
Nous étions sur le lit, les couvertures froissées autour de nous. Filtrée par les flocons qui tombaient tranquillement, la lumière matinale argentée ne réchauffait pas beaucoup la chambre. Nous n’avions quasiment pas dormi, sans jamais quitter le lit – pour des raisons évidentes. Pelotonné contre moi, Nathaniel mêlait ses jambes aux miennes, laissant son doigt dériver sur ma clavicule, en rythme avec la musique émise par notre petite radio à piles.
Je me suis étirée sous ses soins attentifs, puis j’ai tapoté son épaule. «Bien, bien... mon “Sixty Minute Man” à moi. »
Il a gloussé, son souffle chaud m’a picoté le cou.
« Ça veut dire que j’ai droit à quinze minutes supplémentaires de baisers ?
— Seulement si tu fais du feu.
— C’est déjà fait, non ? »
Il s’est quand même redressé, avant de quitter le lit. Nous prenions quelques vacances bien méritées, après un travail acharné sur le dernier lancement du Comité consultatif national pour l’aéronautique. Si je n’avais pas œuvré comme mathématicienne au NACA, je n’aurais jamais vu Nathaniel réveillé, ces deux derniers mois.
J’ai ramené les couvertures sur moi, avant de m’installer sur le flanc pour mieux l’observer. Il était mince, son passage à l’armée pendant la guerre l’avait un peu sculpté. J’aimais beaucoup voir ses muscles rouler sous sa peau. Il s’est emparé d’une bûche parmi les stères empilés sous la grande baie vitrée. La neige l’encadrait parfaitement, nimbant sa silhouette d’une lumière métallique qui se reflétait dans ses mèches blondes.
Et soudain, l’extérieur s’est embrasé.
Tous ceux qui se trouvaient près d’une fenêtre dans un rayon de huit cents kilomètres autour de Washington D.C., à 9h53, le 3 mars 1952, se souviennent de cette lumière. D’abord rouge, puis blanche, si violente qu’elle noyait même les ombres. Nathaniel s’est raidi, la bûche entre les mains.
« Elma ! Ferme les yeux ! »
J’ai obéi. Cette lumière. C’était forcément une bombe atomique. Les Russes n’étaient pas trop contents depuis l’entrée en fonction du président Dewey. Seigneur. L’épicentre devait se situer dans la région de D.C. Combien de temps avant que l’onde de choc nous atteigne ? Nous avions tous les deux assisté à des essais atomiques, à Trinity, mais les chiffres avaient déserté mon crâne. Washington était assez loin pour que la chaleur générée par l’explosion nous épargne, mais cela déclencherait la guerre que nous redoutions tous.
Je suis restée plantée là, sur le lit, les yeux fermés. La lueur s’est atténuée.
Il ne s’est rien passé. La musique ne s’est même pas interrompue. Si la radio continuait à émettre, il n’y avait aucune perturbation électromagnétique. J’ai rouvert les yeux. « Bon. » J’ai désigné la radio du pouce. « Manifestement pas une bombe A. »
Nathaniel s’était écarté de la fenêtre, sans pour autant lâcher la bûche. Il l’a agitée entre ses mains, les yeux rivés sur la vitre. «Toujours aucun bruit. Ça fait combien de temps ? »
La radio continuait à passer « Sixty Minute Man ». Quelle était l’origine de cette lumière? «Je n’ai pas compté. Un peu plus d’une minute?» J’ai frissonné en multipliant de tête la vitesse du son par le nombre de secondes écoulées. «340 mètres par seconde. Donc... l’épicentre se situe au moins à 30 kilomètres ? »
Nathaniel s’apprêtait à enfiler un pull. Il s’est interrompu, les secondes se sont écoulées. Cinquante kilomètres. Soixante. Soixante-dix. «C’est... c’était une grosse explosion. Très brillante. »
J’ai inspiré avec précaution, avant de secouer la tête. J’avais très envie que ce soit vrai, sans en être tout à fait persuadée. « Ce n’était pas une bombe A.
— Je suis ouvert à toute théorie. »
Nathaniel a enfilé son pull en laine. L’électricité statique lui a hérissé les cheveux sur la tête.
La musique a changé. «Some Enchanted Evening». Je suis sortie du lit, j’ai attrapé le soutien-gorge et le pantalon dont je m’étais débarrassée la veille. La neige tourbillonnait derrière la vitre.
«Bon... la radio n’a même pas été interrompue, c’était forcément bénin... ou très localisé, du moins. Ça pourrait être un dépôt de munitions.
— Ou un météore...
— Oui ! » Bonne remarque. Ça expliquait pourquoi la radio n’avait pas été coupée. C’était un événement localisé. J’ai poussé un soupir de soulagement. «On était peut-être juste en dessous de la trajectoire de rentrée. D’où l’absence d’explosion. Nous n’avons vu que sa combustion. Pleine de lumière et de fureur, et qui ne signifie rien... »

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