Southampton Row

Auteur : Anne Perry
Editeur : 10/18

Fraîchement réintégré à son poste de Bow Street et félicité par la reine Victoria en personne pour sa précédente affaire, le commissaire Thomas Pitt n'a guère le temps de se réjouir. Le voilà de nouveau congédié et sommé de rejoindre la très obscure Spécial Branch. Son ennemi le plus acharné, le machiavélique Voisey, est de retour à la tête du «Cercle intérieur», la société secrète la plus puissante et la plus mystérieuse de l'Empire britannique ! À l'approche des élections parlementaires, Thomas Pitt doit à tout prix découvrir les intentions du sinistre personnage afin de mieux déjouer ses plans. Plongé bien malgré lui au coeur des arcanes du pouvoir, alors que l'étau se resserre, Pitt n'a que quelques jours pour empêcher le royaume tout entier de sombrer dans le chaos.

8,10 €
Parution : Juin 2007
Format: Poche
384 pages
ISBN : 978-2-2640-4553-9
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Extrait

- Je suis désolé, dit le préfet adjoint Cornwallis avec accablement. J'ai tout essayé, opposé tous les arguments moraux et légaux. Mais, face au Cercle intérieur, je ne suis pas de taille.
Debout au milieu du bureau inondé de soleil, Pitt était sidéré. Les vitres atténuaient à peine les claque­ments des sabots sur les pavés et les cris des cochers tandis que des bateaux de plaisance croisaient sur la Tamise par cette belle journée de juin. Après la conspiration de Whitechapel, on lui avait rendu son grade de commissaire divisionnaire à Bow Street, la reine Victoria en personne l'avait remercié pour son courage et sa loyauté... Et voilà que Cornwallis le congédiait à nouveau !
- Ils ne peuvent pas, protesta Pitt. Sa Majesté elle-même...
- Oh si, ils peuvent, le coupa Cornwallis. Ni vous ni moi n'avons idée de leur influence réelle. Ils sont partout. La reine n'entend que ce qu'ils veulent bien lui laisser entendre. Si vous faites appel à elle, croyez-moi, il ne vous restera plus rien, même pas la Spécial Branch. Narraway sera heureux de vous récupérer, poursuivit-il comme si on lui arrachait les mots de la bouche. Acceptez, Pitt. Pour votre propre salut et celui de votre famille. On ne vous fera pas de meilleure offre. D'ailleurs, c'est un travail pour lequel vous êtes doué. Nul ne mesure ce que vous avez accompli pour votre pays en triomphant de Voisey.
- Vous appelez cela un triomphe ! fit Pitt avec amertume. Il a été anobli par la reine et le Cercle intérieur est encore assez puissant pour décider de qui doit être à la tête de Bow Street !
- Je sais. Mais si vous ne l'aviez pas battu, l'Angleterre serait à présent une république plongée en pleine guerre civile et Voisey serait son premier président. Tel était son but. Vous l'avez battu, Pitt, n'en doutez pas... et ne l'oubliez jamais non plus. Car lui ne l'oubliera pas.
Les épaules de Pitt se voûtèrent. Il se sentait meurtri et harassé. Comment allait-il annoncer la nouvelle à Charlotte ? Elle serait furieuse, outrée et révoltée devant tant d'injustice mais il n'y avait rien à faire. Il le savait. S'il continuait à discuter avec Cornwallis, c'était uniquement parce que le choc n'était pas encore passé.
- Vous avez plus que mérité vos vacances, reprit celui-ci d'un ton qui se voulait apaisant. Prenez-les. Je... je suis désolé.
Pitt ne trouva rien à répondre.
- Partez, insista Cornwallis. Choisissez un endroit agréable, loin de Londres. La campagne ou la mer.
- Oui, oui... je suppose.
Ce serait plus facile pour Charlotte et pour les enfants. Au moins, ils passeraient un peu de temps ensemble. Cela faisait des années qu'ils n'étaient pas partis plus de quelques jours en famille.
Comme il s'y attendait, Charlotte réagit très mal mais, une fois la première colère passée, elle masqua sa rage, sans doute à cause des enfants. À dix ans et demi, Jemima faisait preuve d'une sensibilité à fleur de peau et Daniel, de deux ans et demi son cadet, prenait exemple sur elle. Elle se mit donc à parler de ces vacances comme d'une chance, envisageant la meilleure date de départ possible et le budget qu'ils pourraient y consacrer.
En quelques jours, tout fut arrangé. Ils emmè­neraient avec eux Edward, le fils d'Emily, la soeur de Charlotte. Le jeune garçon était tout disposé à échapper à quelques jours d'école et, surtout, aux responsabilités qui lui incombaient déjà en tant qu'héritier du titre et des biens de lord Ashworth, le premier mari d'Emily.
Ils séjourneraient dans un petit village du nom d'Harford, à l'orée du Dartmoor, pendant deux semaines et demie. À leur retour, une fois les élections générales passées, Pitt prendrait ses nouvelles fonctions auprès de Narraway à la Spécial Branch, le service créé depuis peu afin de lutter contre les fenians et qui s'occupait, plus généralement, de l'épineux problème du Home Rule pour lequel Gladstone s'engageait à nouveau de toutes ses forces et avec aussi peu de chances de succès que par le passé.
- J'ai peur de ne pas avoir pris assez de vête­ments pour les enfants, disait Charlotte. Ils risquent de se salir un peu plus qu'ici...
Ils étaient occupés à terminer leurs bagages dans la chambre à coucher. Leur train partait en fin de matinée.

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