55 de fièvre

Auteur : Tito Topin
Editeur : Manufacture de livre éditions
En deux mots...

Une Européenne est agressée. Des Arabes sont accusés pour masquer la culpabilité d'un garçon bien né. Il n'en faut pas plus, en cette année 1955, pour que Casablanca s’embrase.

18,50 €
Parution : Octobre 2018
188 pages
ISBN : 978-2-3588-7269-0
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Présentation de l'éditeur

Casablanca, 1955. Après une fête, Georges raccompagne une jeune femme chez elle. Il aimerait que les choses n'en restent pas là et quand la fille refuse ses avances, tout bascule. Mais, en cette année où le Maroc connait les dernières heures du protectorat français, une blanche victime d'un blanc, cela ne sert les intérêts de personne.
Et si l'on cachait la responsabilité de Georges ? Si à sa place, on accusait ce groupe d'arabes qui vit proche des lieux du crime ? Il n'en faut pas plus à Casablanca pour s'embraser, tandis que Georges prend goût aux crimes impunis et que d'autres cherchent à tout prix à faire regner un semblant d'ordre. Dans un Maroc chauffé à blanc et pétri de racisme ordinaire, 55 de fièvre est un polar addictif où la traque d'un homme sombrant dans la folie se mêle aux ambitions politiques de ceux qui préférent le pouvoir à la justice.

Extrait

La Buick noire avança sans bruit, glissant sur le goudron encore mou et se rangea doucement sur un belvédère herbu, interrompant net la stridulation des grillons nocturnes.
Les pneus aux flancs blancs firent un dernier tour et s’immobilisèrent dans l’herbe chaude.
En bas de la colline, le large océan était d’asphalte avec de brusques élancements de vagues chromées qui rayaient la nuit de traits fluorescents.
Les piscines argentées scintillaient comme des poissons morts dans les établissements du bord de mer. Leurs noms seuls auraient suffi à faire bronzer une colonie d’albinos. Acapulco. Tahiti-Plage. Miami. Sun-Beach. Kon-Tiki.
Georges appuya sur un bouton du tableau de bord. Le souffle hydraulique du mécanisme automatique accompagna la capote qui se dressa lentement dans la nuit comme l’aile dépliée d’un rapace. Elle hésita un court moment et se rabattit sur le pare-brise avec un ronronnement métallique. Georges assura le cliquet de fermeture, éteignit les phares et coupa le contact.
- Qu’est-ce qui te prend ? demanda Gin.
La nuit était noire. Pas une étoile dans le ciel. Pas une lumière aux fenêtres des villas luxueuses de la colline d’Anfa. Quelques clébards arabes venus d’un douar voisin rôdaient silencieusement entre les pins et les eucalyptus.
Le seul point lumineux venait de la radio branchée sur l’émetteur américain de la base de Nouaceur. Le duh-duh-DUM, duh-duh-DUM, duh-duh-DUM régulier d’un batteur de jazz sourdait de la bakélite. Probablement Zutty Singleton.
- Je recapote… répondit Georges en actionnant l’allume-cigare. Avec cette chaleur de dingue, on attraperait facilement la crève. Quand on a chaud, on transpire, tu comprends ?
- C’est toi qui me fais suer. Tu étais d’accord pour me raccompagner chez moi, un point, c’est tout ! Je n’ai aucune envie de m’arrêter en route, fit Gin.
- J’ai toujours pensé que tu avais quelque chose contre moi, dit-il. Mais quoi ?
- Tu te fais des idées. Je n’ai rien contre personne, pas plus contre toi que contre un autre. Je veux simplement rentrer chez moi. C’est clair ?
D’un petit coup sec du poignet, Georges éjecta une blonde du paquet de Pall-Mall.
- Cigarette ? proposa-t-il.
Gin la prit d’un geste brusque sans prendre la peine de le remercier. Elle l’alluma elle-même d’un Zippo sorti de son sac.
Tout le monde l’appelait Gin, comme l’alcool, mais elle s’appelait Ginette, ce qui était beaucoup moins enivrant.
Ginette Garcia allait avoir dix-neuf ans avant la fin du mois, le 23, le jour où le soleil, fatigué du cancer, entrerait dans le signe du lion.

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