Le blues des phalènes

Auteur : Valentine Imhof
Editeur : Editions du Rouergue

C'est l'Amérique des années 1930. Celle de la Prohibition, du suprémacisme blanc, de la misère qui a jeté des millions d'affamés sur les routes. Quand ils ne voyagent pas agrippés sous un train, de ceux dont la conquête de l'Ouest a pavé le pays et qui mènent à présent jusqu'au Pacifique. Et cet horizon-là, celui des rivages de la Californie, prometteurs d'un avenir doré, c'est celui de deux hommes, d'une femme et d'un enfant. Milton, le rejeton prodigue qui a rompu les ponts avec sa richissime famille ; Arthur, le vétéran de la guerre des Boers et des tranchées de la Somme, qui porte le poids de crimes impardonnables ; Pekka, née le jour où sa mère posait le pied sur le sol de New York et qui change de nom à chaque fois qu'elle veut changer de vie ; Nathan, enfin, le fils de l'Explosion, qui fuit le mal et le retrouve où qu'il aille. Ces quatre destins prodigieux s'entrecroisent autour d'un moment unique qui les réunit tous : l'explosion de la ville d'Halifax, en Nouvelle-Écosse, le 6 décembre 1917, la plus terrible dévastation causée par l'homme avant l'ère nucléaire.
Valentine Imhof, révélée par ses deux romans noirs : Par les rafales (2018) et Zippo (2019), nous emporte à travers le blizzard, les coups du sort, les renaissances, les échecs, les chagrins effroyables, les espoirs fous, sur les lignes de vie de ces magnifiques passagers d'Amérique.

23,00 €
Parution : Janvier 2022
480 pages
ISBN : 978-2-8126-2282-3
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Extrait

Qui penserait à venir le trouver, au milieu des montagnes, dans cette concession minière épuisée puis abandonnée, dans cet endroit stérile entre tous, d’où plus rien ne peut être tiré, où rien ne sera jamais cultivé, dans ces paysages arides et acérés où il s’est installé pour ne plus cohabiter qu’avec des mouflons, des lézards, des cactus, des ruines, des morts ?
Ailleurs, plus loin, les barrages, les canaux, l’irrigation, le maraîchage, les cohortes de cueilleurs à 1 ¢ de l’heure, les routes, les rails, les convois de désespérés qui affluent tous les jours plus nombreux pour fuir leur misère et découvrir qu’elle les accompagne où qu’ils aillent, où qu’ils soient, qu’elle les talonne, qu’elle les précède, qu’elle est partout, irrémédiable.
Le monde est dans la tourmente. Et il s’en fout.
Tout cela ne le concerne pas. Il n’existe plus pour personne et n’a plus personne pour qui exister. Il n’est plus personne. Il n’a plus de nom. Il a renoncé au sien, a usurpé celui d’un autre. Et puis l’a abandonné.
Une folie. Un égarement passager.
Trop tard.
Un dérèglement, irrémissible. Un empoisonnement.
Aucun antidote. Trop tard.
Quelques secondes de nuit, un train lancé à pleine
vitesse, une rencontre fortuite, un geste flou, un geste lâche. Définitif.
Pierre parmi les pierres, il a depuis longtemps tourné le dos aux hommes pour embrasser le vide.
Invisible, inerte, minéral, oublié.

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