La Mauvaise Fortune: Récit d'un épisode occulté de la Seconde Guerre mondiale

Auteur : Olivier Delagrange
Editeur : La Découvrance

Dans la nuit du 7 février 1942, les bombardiers anglais frappent une nouvelle fois Saint-Nazaire. Au matin, François Dumas quitte son abri et gagne la BPCI où il travaille. La succursale de la banque est en plein déménagement et François est chargé de transporter des lingots d'or de la salle des coffres jusqu'aux véhicules.
Midi trente, le convoi s'ébranle en direction de Nantes... «Plus un son ne retentit dans la banque. Le silence percute de plein fouet François.» Un angoissant suspense commence...
Implacable pièce à conviction à verser au dossier de la toute-puissance des hasards de la vie, l'histoire de ce livre vous poursuivra longtemps...

«...Il faut avoir une certitude absolue quant à sa dis­parition. Et puis on ne sait jamais, vous trouverez peut-être quelques faits intéressants à noter dans votre rapport, sur l'or ou sur Dumas ?
- Certainement, monsieur le directeur, comptez sur moi.
- Tenez Le Rouzic, je vous confie les clefs. La banque n'abrite plus rien d'important, il est vrai, mais pensez quand même à bien refermer derrière vous...»

15,22 €
Parution : Juin 2007
Format: Poche
140 pages
ISBN : 978-2-8426-5520-4

Extrait

8 février 1942. Horloge céleste condamnée à un mouvement perpétuel, le soleil accomplit son sacerdoce matinal. Demi-cercle, puis sphère dorée à part entière, il grimpe tout rond, tout bouillant, dans le ciel qui s'offre à lui sans la moindre retenue. S'ingéniant à mettre à nu ce que les voiles nocturnes recouvraient pudiquement, l'astre brûlant darde progressivement Saint-Nazaire d'une chaude lumière. Malgré les rais naissants, la ville reste pourtant invisible. Tout n'est que fumée et poussière ! Un rideau gris, acre et étouffant submerge l'agglomération, nimbée dans son mystère opaque...
Sous la poussée du dieu Râ, s'escrimant à illuminer Saint-Nazaire, le brouillard artificiel finit timidement par battre en retraite. La révélation est désolante : partout, un décor apocalyptique impressionne la rétine et torture l'oeil ; à perte d'horizon s'amoncellent vestiges et ruines noirâtres, pans de murs éventrés, pierres éparpillées et toitures gisantes ! ! !
Depuis le début de l'occupation allemande en juin 1941, les aviateurs anglais courtisaient Saint-Nazaire avec une assiduité de prétendants passionnés. Ils la comblaient fidèlement d'explosifs bouquets. Après chacun des bombardements, la ville pansait ses plaies et pleurait ses meurtrissures. Le ronronnement des bombardiers était devenu le refrain lancinant de cette drôle d'époque. Les amputations des secteurs de la ville se succédaient au rythme de la gangrène guerrière, réduisant, peu à peu, la cité en une peau de chagrin et de larmes. L'apocalypse semblait avoir pris ses quartiers à Saint-Nazaire. Ce tonnerre de bombes tombées du ciel avait pour seule ambition de rayer de la carte l'importante base sous-marine allemande ancrée dans la cité portuaire, et véritable clef du dispositif naval du IIP Reich. L'anéantissement de la tanière des submersibles teutons était hautement stratégique pour les combattants alliés. Mais le prix à payer en était élevé : pour arriver à leurs fins, peu importaient les dommages collatéraux occasionnés au périmètre voisin de la base ; il fallait bombarder sans fléchir et sans s'apitoyer sur les blessures causées à la population civile. Pour terrasser la pieuvre nazie, une seule règle : tailler dans le vif... La liberté en marche était à cette condition !
Vaincus par cet opéra de terreur, les habitants désertaient les lieux, précédés, dans cet exode, par leurs diverses instances représentatives, qui avaient élu domicile dans d'autres villes proches, moins torturées par la guerre.
La nuit du 7 février 1942 resterait à jamais gravée dans les annales de l'horreur ; de mémoire de Nazairien, nul pilonnage ne fut plus terrible ! Deux heures durant, sans interruption, les as de la RAF s'en donnèrent à coeur joie et vomirent plusieurs centaines de bombes ! Une fois encore, la cité essuya la dure loi de la mort tombée du ciel. Faisant des ténèbres leurs plus sûres alliées, les aviateurs anglais déversèrent sur Saint-Nazaire leurs chapelets d'engins explosifs.
Le bruit ronronnant des moteurs couvre le silence de la nuit du 7 février. Aussitôt mise en alerte, la sentinelle allemande déclenche la sirène d'alarme. Le faisceau d'un premier projecteur troue l'obscurité, avant de balayer méthodiquement l'horizon, à la poursuite des oiseaux d'acier. Si la guerre n'était pas le mobile de ces opérations, ce véritable spectacle de son et lumière serait des plus grandioses ! Porteurs de leurs germes mortels, les obus embrasent le ciel d'encre et le strient d'interminables filets d'argent. Telles des épées de feu, et se réfléchissant dans le miroir d'huile de l'océan Atlantique, les ogives métalliques transpercent les ténèbres et pleuvent de toutes parts, provoquant désolation et ruine. La noire mitraille éclate sans aucune relâche, pareille à un écho sans fin ; explosions, incendies, hurlements et sirènes stridentes se relaient sans discontinuer, dans une infernale symphonie sanglante. Une partie démente de «chamboule tout» se joue sur la ville ! Les uns après les autres, les immeubles s'effondrent comme de vulgaires châteaux de cartes...
Le petit matin du 8 février 1942 fit apparaître la dure réalité du ravage. Les quelques pans d'habitation encore sur pied faisaient ressembler la cité - ou ce qu'il en restait - aux vestiges d'une partie de quilles disputée par des titans. Creusé en son sein par de larges cratères, Saint-Nazaire s'était mué en un véritable paysage lunaire.

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