Juste en fermant les yeux

J’ai donné à ma petite sœur le scooter Playmobil que m’a offert mon parrain pour mon anniversaire d’il y a deux ans en échange de son silence et surtout pour qu’elle surveille la porte. Je ne joue plus avec depuis longtemps mais je me suis constitué un trésor de guerre qui me sert de monnaie d’échange. Je n’ai pas le choix: on partage la même chambre. J’ai filé dans la salle de bains après que les parents sont venus nous embrasser dans notre lit.
La télé ronronnait dans le salon. Je m’étais entraînée pour ne pas marcher sur les lattes de parquet qui craquent dans le couloir.
Une fois dans la salle de bains, j’ai tourné le robinet du lavabo et laissé couler l’eau jusqu’à ce qu’elle soit bien glacée.
J’ai plongé ma chemise de nuit dedans et j’ai attendu qu’elle s’enfonce complètement. Ensuite, je l’ai essorée pour ne pas laisser tomber de gouttes d’eau au retour.
Je suis retournée dans la chambre toute nue et sur la pointe des pieds, ma boule trempée sous le bras,
je riais doucement en imaginant le sale quart d’heure que je passerais si je croisais mes parents.
J’ai réenfilé ma chemise de nuit sans rien en dessous et je suis sortie sur le petit balcon en laissant la fenêtre entrebâillée sous la haute surveillance de ma sœur. J’ai fermé les yeux en me concentrant le plus possible pour oublier mes pieds congelés et le froid qui me mordait le corps, je priais pour tomber malade et j’ai attendu...