Du Contrat Sexuel
Après deux millénaires de culpabilité chrétienne, on pourrait penser que la liberté de moeurs s'est imposée, or aucune liberté ne va sans angoisse. Afin de dissoudre cette angoisse de la sexualité, d'en éclairer les zones d'ombre, d'en annuler les déterminismes, la société contemporaine s'est lancée dans une folle entreprise : l'encadrer, comme tout échange, par les formes contractuelles des normes juridiques. Mais le contrat peut-il s'appliquer à la sexualité ? A-t-il les moyens de clarifier la relation humaine la plus intime qui soit, de résoudre toutes les tensions liées au contact avec l'altérité ? Cédric Lagandré reprend le débat du statut culturel de la sexualité en Occident pour défendre, sur le socle du consentement mutuel, sa nature nécessairement infra-juridique. On ne peut accéder innocemment à la sexualité, non au sens où le désir sexuel serait moralement coupable, mais au sens où il implique un vertige, une angoisse et une mise à nu. La forme juridique, loin de civiliser la sexualité, l'enferme donc dans un cadre défini par la prostitution, et ne la repousse pas moins que la pornographie dans le registre trivial du besoin. L'effort contemporain pour passer l'intégralité du réel au crible des catégories juridiques ne peut donc qu'échouer devant l'ordre du symbolique : l'obscurité du désir rend la sexualité insaisissable à toute volonté de l'encadrer par la règle.