L'Ardente patience d'Arthur Rimbaud

Auteur : Roger Munier
Editeur : José Corti

On peut interroger, dans la figure tumultueuse de Rimbaud, bien des aspects. Aucun d'eux n'est satisfaisant, pris en lui-même et réduit à lui-même. Mais leur ensemble compose un profil qu'on tente ici de dégager, comme l'unité malgré tout d'un destin. Et cela à partir des textes, seuls vestiges de lui-même que Rimbaud a laissés, notamment dans le plus haut d'entre eux : Une Saison en enfer, mais aussi bien dans tous les autres, y compris les Lettres, d'Afrique ou d'ailleurs, une fois l'écriture abandonnée. Leur relecture part d'une interprétation globale suivant laquelle le fond de l'attitude rimbaldienne devant la vie et le monde, qui commande aussi bien les démarches d'existence que l'aventure poétique elle-même, est le refus du réel effectif, soit de l'être qui fige, dans le temps même qu'il donne consistance de réalité. Le destin de Rimbaud fut d'un bout à l'autre de sa courte vie de tenter d'échapper à l'emprise du réel. Non du seul réel médiocre, mais du réel comme réel, c'est-à-dire effectif, qui fait que l'amour, par exemple, n'est plus l'amour dès qu'on aime, etc. Selon le propos de la Vierge folle, dans Une Saison en enfer, il n'a cherché qu'à "s'évader de la réalité". Et la Vierge folle ajoute : "Jamais homme n'eut pareil voeu." L'affirmation est de poids et doit être prise au sérieux dans un texte où tous les mots comptent. C'est la clef de l'interprétation et le leitmotiv de la relecture. C'est aussi ce qui permet de retrouver l'unité d'un destin qui finalement et inévitablement échoua, dans la parole comme dans le silence qui la suivit, car on n'échappe pas à l'effectif. Une telle interprétation est neuve. Elle suggère une autre approche du génie poétique de Rimbaud - et nombre d'Illuminations s'éclairent à sa lumière - autant qu'elle fait mieux comprendre la rupture finale. Elle permet de prendre la mesure d'un grandiose échec.

24,75 €
Parution : Février 1993
434 pages
ISBN : 978-2-7143-0473-5
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