Austerlitz
La vie de Jacques Austerlitz est celle d'une quête inlassable à travers l'Europe pour restituer la vérité sur son passé d'émigrant déraciné, mais aussi pour appréhender l'état de ce monde qui n'a pas voulu de lui. Le chef-d'oeuvre de W. G. Sebald est, hélas, aussi son dernier livre.
Le narrateur et Jacques Austerlitz se sont rencontrés pour la première fois à Bruxelles, dans les années 1960.
Jacques Austerlitz, un universitaire anglais, sillonne alors l'Europe à la recherche de l'architecture "monumentale" de l'ère capitaliste - ces bâtiments de prestige ou de défense des états, les forts, les gares, les buildings, les bourses, les casernes..., toutes ces expressions insistantes du pouvoir politique ou commercial. En étudiant ce qui lui parait de plus en plus une aberration, car "ces constructions surdimensionnées projettent déjà l'ombre de leur destruction et elles sont d'emblée conçues dans la perspective de leur future existence à l'état de ruines", Austerlitz cherche à établir un lien secret, un élément constitutif existant entre tous ces bâtiments-là.
Fasciné par cette recherche, elle aussi monumentale, le narrateur revoit de temps à autre Austerlitz afin d'écouter les récits inspirés du grand savant insolite, sans pour autant aborder des questions plus personnelles. Puis les deux hommes se perdent de vue, et ce n'est qu'en 1996 que le narrateur rencontre par hasard Austerlitz dans un café de Londres. C'est à partir de ce moment-là qu'il apprend à quel point les recherches de Jacques Austerlitz ont pris une tournure différente. Derrière son obsession des bâtiments et des gares, se cachait un souvenir refoulé, celui du jour où ses parents, en plein milieu de la terreur nazie, l'avaient abandonné à la gare d'Austerlitz (d'où son nom de famille) afin qu'il rejoigne l'Angleterre salvatrice.
Pièce par pièce, l'émouvant récit de la vie de celui qui a connu son vrai nom que lorsqu'il fut adolescent se construit et se livre. La vie d'Austerlitz est celle d'une quête inlassable pour restituer la vérité sur son passé d'émigrant déraciné, mais aussi pour appréhender l'état de ce monde qui n'a pas voulu de lui.
Et si l'air de famille de cette architecture monumentale se réalisait justement dans un destin comme celui d'Austerlitz, se matérialisait à travers sa souffrance ? Ici, comme dans chacun de ses livres, Sebald juxtapose à son style saisissant des documents photographiques qui réfractent curieusement le sens du texte.
Austerlitz est le chef-d'oeuvre de W. G. Sebald ; hélas, c'est aussi son dernier livre. Il lui a permis de faire un triomphe aux Etats-Unis, lors de sa tournée de lectures quelques semaines avant sa mort.
