Le motard écarlate
Editeur : Editions La Bruyère
Le Motard appartenait à une armée que l'on aurait pu qualifier de magique. Ce fut en tout cas ainsi qu'elle apparut à cette fille de quatorze ans qui en avait vu défiler d'autres dans cette jolie station thermale des Vosges, mais aucune ne fut aussi nombreuse, aussi riche, aussi intéressante, voire divertissante. Ses officiers étaient d'une élégance rare, mêlant le civil et le militaire dans des combinaisons de couleurs inattendues et séduisantes. Ses soldats portaient des uniformes bien coupés, des chaussures basses et arboraient des cravates. Elle trouva aussi qu'ils étaient plus grands, plus beaux et plus aimables que tous les autres soldats qu'elle avait vus jusqu'alors, et comme elle savait un peu d'anglais il lui fut facile de s'en faire des amis et de détourner les pensées de certains affamés d'amour en leur parlant de leur famille et de leur précieux et bien-aimé " Etat ". Mais celui qui dépassa tous ses autres amis par sa taille et sa prestance fut le motard qui était un policier militaire, race honnie en général par tous les soldats. En outre et comme elle, c'était un amoureux de la vitesse ; lui sur sa moto et elle sur sa bécane, ils poursuivirent au hasard des routes une sorte d'idylle sportive et joyeuse. Et puis la bataille des Ardennes, la dernière grande bataille de la guerre en Europe, éclata brusquement, et cette armée qui combattait déjà en Alsace dut faire face et envoyer encore d'autres soldats au front. Le motard partit avec eux, et la couleur écarlate, qui avait été le symbole de sa distinction et de son éclat, devint celle de sa mort. Le coup fut si dur et son chagrin si grand qu'elle le bannit de sa mémoire car celui qui n'a pas existé n'a pas pu mourir non plus. Mais cinquante-cinq ans après, à la suite d'une lecture sur cette fameuse bataille, il ressurgit sur sa moto et c'est un grand sentiment de culpabilité qui l'amena à écrire l'histoire du Motard écarlate, et à parler des jeunes et joyeux soldats qui l'entouraient.