Point vif

Auteur : Pierre Mari
Editeur : Publie.net

Dans le récit très tendu de Pierre Mari, quel que soit le principe qui gère l'équilibre entre expérience vécue et fiction (Nerval nous y a souvent menés, et le connaisseur de Kleist qu'est Pierre Mari utilise évidemment chacun de ces paramètres narratifs en toute connaissance de cause), il y a d'abord la qualité de sa langue. Ce qu'on apprend sur nous-mêmes tient évidemment d'abord et seulement à l'expérience de cette langue tendue, accrochée jusqu'à l'extrême à l'homme, aux paysages, aux idées. Je ne sais pas si cela induit une poétique du récit : elle est constamment subvertie, à chaque pas du texte, par la rigueur de la convocation du réel. Peut-être faut-il cet exercice extrême (qui remémorent les récits fantastiques de Blanchot) pour que justement on oublie les échafaudages, qu'on se laisse happer par la narration elle-même. C'est qu'il y a du réel, charrié dans les lignes. Avec de la vie, de l'amour, de la mort. Et que la littérature a toujours été à cet endroit. Mais que l'assumer pour le présent, c'est le prendre tel que nous sommes : le narrateur (comme Pierre Mari lui-même) donne des formations de culture générale en entreprise, deux univers qui pourraient paraître inconciliables, et qui pourtant nous traversent en continu. Dans cette prescription sociale dure, de temps, d'argent, de hiérarchie et relation, on conduit son destin, on en assume la part libre irréductible. On la trouve, nous, dans les livres. Ici, les personnages (et peu importe leur statut réel ou fictif, et que le personnage dont le prénom est Valéry puisse coïncider avec quelqu'un qu'on connaisse) lisent et écrivent. Mais si c'était le prétexte pour inclure dans le récit une réflexion sur l'écriture ou la littérature, ou faire étalage de son propre parcours, tout évidemment s'effondrerait. Il y a l'expérience d'un chemin, et ce à quoi il contraint, les livres, et l'écriture, viennent ici.

Parution : Octobre 2010
Format: Ebook - Kindle
99 pages
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