Extrait : Atmore, Alabama

Auteur : Alexandre Civico
Editeur : Actes Sud Editions

Atmore, Alabama

La silhouette de la prison m’est apparue brusquement, juste après un virage serré. Une forteresse-usine aux miradors carrés et aux murs gris surmontés de chevaux de frise. Une immense cathédrale païenne aux tours vitrées. Divers bâtiments posés les uns à côté des autres, sans souci de continuité, sans logique apparente. La route débouchait directement sur un parking. Je m’y suis garé, j’ai arrêté mon moteur et observé cette Jéricho aux murs indestructibles. Il était là. Il respirait ici, juste derrière, à quelques dizaines de mètres, enfermé, vêtu de sa combinaison blanche. A.F., race blanche, sexe masculin, cheveux bruns, 5 pieds 9 pouces, 166 livres, année de naissance, 1975, pas de cicatrices, tatouage à la nuque, signification indéterminée. Meurtre au premier degré. Couloir de la mort. Du coin de l’oeil, j’ai aperçu un mouvement lent. Un gros véhicule frappé aux armes de la centrale s’approchait. Je suis descendu de voiture, prenant les devants, me suis avancé vers cet hippopotame d’acier, gauche, sans menace. Un employé de la prison, au volant, a baissé la vitre et demandé ce que je foutais là. Ma réponse n’a pas satisfait l’homme dont l’uniforme bleu paraissait neuf, dont le badge doré scintillait, dont les mâchoires étaient habilement serrées pour accentuer l’allure mâle donnée par le costume réglementaire. Vous ne pouvez pas rester là. Il faut partir.