Le disparu de Larvik

Auteur : Jørn Lier Horst
Editeur : Gallimard

A Larvik, l'été est là. Six mois ce sont écoulés depuis la disparition de Jens Hummel et son taxi sans qu'aucun indice n'ait permis de faire avancer l'enquête de Wisting. Sa fille, Line, a acheté une maison dans la même rue et elle profite de son congé maternité pour la retaper. Dans quelques jours, l'enfant sera là. Père et fille s'affairent. Mais deux événements survenus inopinément vont relancer l'enquête : Le commentaire d'un client, saisi au vol par l'ex-compagne du policier dans son bar ; la découverte d'une arme dans un coffre-fort. Nouveaux indices, nouvelles pistes. Les fils que tirent Wisting et son équipe les mènent bien plus loin que ce qu'ils avaient imaginé... les voilà en train d'empiéter sur une affaire de meurtre qui va incessamment être jugée.

Traduction : Céline Romand-Monnier
20,00 €
Parution : Juin 2020
Format: Poche
480 pages
Collection: Série noire
ISBN : 978-2-0726-9510-0
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Extrait

Elle passa puis repassa devant la grande villa blanche. La troisième fois, elle se gara dans la rue.
Une clôture à claire-voie blanche, une haie, de vieux arbres. Les fenêtres à petits carreaux ne révélaient que l’obscurité à l’intérieur.
La maison était plus vaste que dans ses souvenirs, bien trop pour elle, à vrai dire.
Cela faisait dix-neuf ans. Elle s’était promis de ne plus jamais revenir. Voilà qu’elle allait s’y installer.
Elle secoua l’enveloppe sur le siège passager pour en faire tomber la clef. L’avocat avait écrit le nom de son grand-père sur une face de la petite étiquette sous plastique et l’adresse sur l’autre : Frank Mandt. Johan Ohlsens gate, Stavern.
Elle n’arrivait pas à s’affranchir de l’idée qu’il avait tenu cette même clef. Il l’avait eue dans sa poche, l’avait triturée, avait refermé sa main autour.
Elle n’aimait pas penser à lui comme à un « papy », n’employait jamais ce mot. Pour elle, c’était le Vieux. Elle se souvenait de lui ainsi, comme d’un vieil homme, même s’il devait avoir cinquante ans tout au plus la dernière fois qu’elle l’avait vu. Grand, robuste, de petits yeux sombres et enfoncés, d’épais cheveux gris et une petite moustache blanche.
L’une des dernières fois avait été un 17 mai, lors des célébrations de la fête nationale. Elle défilait dans le cortège des enfants, qui était passé devant sa maison. Le Vieux était sous sa véranda, les mains derrière le dos, le regard torve et la bouche pincée. Elle avait tenté de lui faire signe, mais il était rentré à l’intérieur.
Laissant la clef, elle regarda encore la maison. Même par cette chaude journée d’été, elle respirait le froid.
Des gémissements sur la banquette arrière la firent se tourner.
« Tu es réveillée, ma petite mère ? » Elle sourit à sa fille en s’étirant vers elle. « On est arrivées, Maja. »
La fillette produisit quelques gargouillis et sourit en clignant des yeux. Par bonheur, elle ne ressemblait pas à son père. Elle avait ses cheveux foncés à elle et ses yeux.
« Mais c’est des fossettes que je vois là ! » Elle la chatouilla sous le menton pour essayer de les faire apparaître. Elles allaient bien s’en tirer toutes les deux. Avant, ç’avait toujours été elle et sa mère. Maintenant, c’était elle et sa fille.
Elle se tourna de nouveau vers le volant, enclencha la première et roula jusqu’au garage derrière la maison. Puis elle prit la clef et sortit sa fille de la voiture.
Avec ses colonnes et ses ornements début vingtième, l’entrée était plutôt majestueuse.
La clef tourna facilement dans la serrure. À l’intérieur, cela ne sentait pas le renfermé comme elle le craignait, mais le propre et le frais.
L’avocat avait fait ce qu’elle lui avait demandé. Tous les meubles et objets avaient été enlevés. Tout ce qui pouvait lui rappeler le passé.
Elle jeta un œil dans la cuisine, avança ensuite jusqu’au salon. Les murs nus renvoyaient l’écho de ses pas.
Le soleil déposait une lumière pâle sur le plancher.
Ça pourrait devenir sympa ici, se dit-elle en contemplant le petit parc de l’autre côté de la rue. Cette grande maison pourrait être un bon départ pour une nouvelle vie.
Le large escalier qui menait au premier grinçait. Elle passa Maja sur son autre hanche et trouva son chemin vers ce qui avait été la chambre de sa mère. Elle s’attarda quelques instants, sans rien ressentir de spécial, puis consulta sa montre. 10 heures moins le quart. Les déménageurs allaient arriver d’un instant à l’autre.
Après un rapide tour des autres chambres, elle redescendit pour inspecter le reste de la maison.
Elle marqua une pause avant d’ouvrir la porte de la cave, puis elle alluma la lumière et descendit quelques-unes des marches creusées par le temps.
C’était là qu’on l’avait trouvé, un jour de janvier. Il avait dû tomber à peu près là où elle se tenait. En bas, elle devinait une tache plus sombre sur le ciment gris clair. On estimait qu’il avait dû y rester trois jours avant d’être découvert par l’un de ses copains.
Bien qu’étant sa seule parente en vie, elle n’avait pas assisté à son enterrement ni participé aux préparatifs. Sur le coup, elle n’avait pas songé au fait qu’elle était la seule héritière de cette grande demeure qui valait des millions de couronnes, et de son argent. En l’apprenant, elle s’était d’abord dit qu’elle n’en voulait pas, l’argent de Frank Mandt était si sale qu’elle refusait d’y toucher, mais elle s’était ensuite ravisée. Pourquoi pas, après tout ? C’était trop bête de s’en priver.

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Poche (Mai 2021)
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