Ultima
La veille de Noël, Rémi, tireur d'exception à l'anti-gang, est rappelé pour une mission confidentielle : protéger le magnat des médias Richard Schönberg. Défiant les menaces de mort reçues, Schönberg maintient le plus spectaculaire des réveillons au Musée des arts forains. La fête tourne au drame. Sous l'oeil de Rémi, un député est abattu par un invisible sniper. Pour laver son honneur et mettre à nu la vérité, Rémi, aidé de la Crime et de Maya, une anthropologue légiste, va traquer ce double maléfique. Et devoir s'allier avec l'inflexible Schönberg... Ingrid Astier et Rémi, l'inoubliable policier plongeur à la brigade fluviale (Quai des enfers), font leur grand retour dans la Série Noire avec Ultima. Poussant loin l'immersion, l'écrivain s'empare du sujet brûlant de l'intelligence artificielle et des dérives du numérique pour mettre en scène son héros, devenu tireur de haute précision.
Extrait
En descendant de la voiture, ils savaient qu'ils ne devaient plus s'appeler par leurs prénoms. Ils redevenaient Athéna, Arès et Hadès. Ces surnoms, au début, ils les avaient adoptés comme un jeu. Un peu comme des gamins, ils fuyaient un monde qu'ils refusaient. Ils redistribuaient les cartes — en premier lieu, celles de leur identité. Ils se choisissaient.
À trente ans, c'était une renaissance.
Ils s'étaient glissés sous la peau des mots. Puis le vêtement, progressivement, assemblage après assemblage, leur avait plu. La surface avait migré. Jusqu'à atteindre leur moelle. Jusqu'à gagner leur être entier.
Ils ne croyaient pas à la fatalité.
On ne subissait pas sa vie.
Le principe était simple : redevenir maître en sa demeure.
Ne plus accepter. Retrouver sa liberté.
Dépasser ce qu'on vous imposait.
Mettre un frein à la technologie, avant qu'elle n'ait tout broyé.
Qu'elle n'ait vidé les hommes.
Qu'elle n'ait sucé la terre et aspiré l'eau.
Qu'elle n'ait corrompu la démocratie.
Les réunions avaient lieu en pleine forêt. Dans le vert complet, à une heure et demie de Paris. En une cabane réduite à l'essentiel, qu'ils avaient construite de leurs mains. Parce qu'il fallait un territoire indépendant. Un royaume.
Leur royaume libre.
Utopia.
Nul n'avait le droit d'y entrer.
Nul autre qu'eux trois ne pouvait y être convié.
Même la Tribu. Même Hermès.
Personne ne devait savoir.
C'était leur Grand Secret.
Là, ils s'étaient juré de repenser le monde.
Au début, ils en riaient.
Les temps avaient changé.
Aujourd'hui, ils parlaient comme s'ils conspiraient.
Comment en étaient-ils arrivés là ?
Hadès poussa la porte de leur cabane. Il retrouva d'emblée cette ambiance qu'il aimait. Sous ses pas, le plancher craquait. L'odeur de cèdre, enveloppante, répondait à celle de la forêt. Majoritairement des pins et des chênes.
Tout avait disparu. Le vacarme s'était tu.
Le chant des oiseaux régnait. Les champignons poussaient.
Les daims et les sangliers, eux, se cachaient. Tous trois aimaient les observer.
Arès fit un feu. Hadès sortit déterrer les armes de leur cache étanchéisée et Athéna choisit les cibles.
Cette fois-ci, ils le savaient, ils ne pourraient plus reculer.
C'était l'automne. Les feuilles allaient tomber.
Les animaux, eux, pourraient dormir tranquilles.
Il faudrait accepter.
Repousser la peur.
Ne pas fléchir.
Agir.
Faire sauter les ultimes barrières.
Accepter de penser autrement, par-delà bien et mal.
