Des hommes dans ma situation

Auteur : Per Petterson
Editeur : Gallimard

Arvid Jansen est un écrivain à la dérive. Il erre dans Oslo, revisite des lieux familiers, fait la tournée des bars, se lance dans des conquêtes sans lendemain, roule au hasard dans sa voiture, où il dort parfois quand le lit devient un endroit insupportable. Cela fait un an que son épouse Turid l'a quitté, emmenant leurs trois filles. L'absence de Vigdis, l'aînée, lui pèse tout particulièrement. Il est également hanté par la perte de ses parents et de ses frères dans le naufrage du Scandinavian Star.
Reprenant le personnage d'Arvid Jansen, le protagoniste de Maudit soit le fleuve du temps, Per Petterson brosse un portrait à la fois tendre, mélancolique et sans concession d'un auteur en panne d'inspiration et qui traverse une profonde crise existentielle. Sans pathos ni grands mots, il décrit l'esprit du temps et Oslo au début des années 1990. Poète de la solitude, de la culpabilité et de l'introspection masculines, il montre à la fois les grands sentiments et les petits bonheurs.

Traduit du norvégien par Terje Sinding
20,00 €
Parution : Février 2021
304 pages
Collection: Du monde entier
ISBN : 978-2-0728-4921-3
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Extrait

1992. C’était un dimanche de septembre, peu avant sept heures du matin. J’étais sorti la veille, j’avais fini la soirée dans une ancienne pharmacie de Tollbugata transformée en bar, mais je n’avais pas découché. C’était plutôt rare à cette période. En 1992, contrairement à ma nature, je faisais souvent la tournée des bars et des cafés du centre d’Oslo ; la porte à peine franchie, je m’y sentais chez moi, j’affrontais le bruit et la fumée et je regardais à droite et à gauche en me demandant où je passerais la nuit. Et, en repartant quelques heures plus tard, j’étais rarement seul. Au bout de ces quelques mois, j’avais dormi dans plus de chambres, de maisons et de quartiers que je n’aurais pu l’imaginer. Surtout pour un homme comme moi. Mais ça s’est terminé tout seul. Je voulais être un brasier ardent, mais il est retombé en cendres.
Quand le téléphone a sonné, ce matin-là, j’étais donc dans mon propre lit. Je n’avais aucune envie de répondre, j’étais mort de fatigue. J’avais bu, c’est certain, mais pas tant que ça, et pas une goutte après onze heures. Pour rentrer, j’avais pris le bus en direction de Tåsen. J’étais descendu au carrefour où il y a désormais un rond-point, j’étais passé devant l’église de Sagene et j’avais continué sous une légère pluie jusqu’à Bjølsen. En pénétrant dans mon appartement je m’étais senti l’esprit tout à fait clair. Et, à l’heure qu’il était, je ne devais plus avoir d’alcool dans le sang.
Si j’étais crevé à ce point, c’était à cause de mes rêves. Ce n’est pas facile d’expliquer, dès la page 2, pourquoi ils m’avaient mis dans un tel état, mais j’y reviendrai.
J’étais bien décidé à rester couché au moins une heure de plus avant de faire bouillir de l’eau pour le café et de m’installer à mon bureau pour essayer d’écrire un peu. Même si on était dimanche. Mais le téléphone a continué de sonner. J’ai fini par m’extirper du lit et je me suis précipité dans le séjour pour décrocher. Autrement, j’aurais eu le sentiment d’enfreindre la loi. J’ai toujours imaginé qu’on risquait d’être poursuivi en justice si on refusait de répondre au téléphone.

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