Une affaire comme les autres

Auteur : Pasquale Ruju
Editeur : Gallimard

Dans une pièce vide, deux femmes se font face. D'un côté, Silvia Germano, jeune et talentueuse procureure adjointe. De l'autre, Annamaria, la veuve de Marcello Nicotra, chef de clan de la 'Ndrangheta. Elles se dévisagent en silence - puis la veuve se met à parler et raconte son histoire. De l'amour fou des premiers jours aux illusions perdues, Annamaria livre ses souvenirs. Sous les feux de la passion transparaît peu à peu la brutalité d'un homme impitoyable, prêt à tout pour étendre son influence au sein de la mafia.
Prise au piège des secrets et des ambitions sanglantes de son mari, la jeune femme est forcée d'ouvrir les yeux sur la nature de celui qu'elle a aimé et à qui elle s'est livrée tout entière. Durant cet interrogatoire sous haute tension, les deux femmes déroulent ainsi le fil des événements qui ont mené à la mort de celui qu'on nommait 'u-Primu. Et Silvia sait déjà qu'il ne s'agit pas, mais alors pas du tout, d'une affaire comme les autres...

Pasquale Ruju est né en 1962. Diplômé d’architecture, il a travaillé au théâtre, au cinéma, à la radio, à la télévision et dans le doublage, prêtant sa voix à des personnages de dessins animés, de téléfilms et de séries. Il a écrit plus d’une centaine d’histoires pour Tex, Dylan Dog, Nathan Never, Dampyr, Mar- tin Mystère, et il est l’auteur de miniséries comme Demian, Cassidy et Hellnoir. Une affaire comme les autres est son pre- mier roman.

Traduit de l’italien par Delphine Gachet
8,50 €
Parution : Septembre 2020
Format: Poche
336 pages
Collection: Folio policier
ISBN : 978-2-0729-0758-6
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Extrait

Une pièce.

Nue, murs de ciment brut, climatisation impuissante à atténuer la chaleur torride de juillet. Pourtant cela ne semble pas gêner la veuve. Pâle, presque immobile, elle reste là, assise derrière une large table de métal vissée au sol. Sans dire un mot, sans faire un geste. Une caméra de télévision, fixée en hauteur sur le mur devant elle, doit renvoyer à un écran de surveillance chacun de ses moindres mouvements, chacun de ses changements d’expression, chacun de ses soupirs. Là, derrière le mur, ils essaient de savoir ce qui se passe dans sa tête. Ils essaient de savoir pourquoi elle a fait ce qu’elle a fait. Ils veulent comprendre.
Comprendre, rien que ça, pense-t-elle. Comme si c’était facile.
Comme si c’était facile à comprendre, ce désir brûlant, irrépressible... Ce désir qui maintenant encore...
Ça suffit, se dit la veuve. Mieux vaut ne pas revenir sur certaines choses.
Elle s’appelle Annamaria et elle a trente-sept ans. Elle est encore belle, même quand on la regarde sur un écran de surveillance. Belles, ses mains longues et minces ; beau, son visage régulier ; splendide, son épaisse chevelure d’un noir de jais. Même quand la mauvaise définition transforme tout en vagues taches.
Elle garde les yeux rivés sur le plateau de la table ; de temps en temps seulement, peut-être sans s’en rendre compte, elle se tord les mains.
Elle ne pleure pas. Elle sait qu’elle ne pleurera pas. Elle ne leur donnera pas cette satisfaction.
Devant elle se trouve un micro relié à un magnétophone. Un système obsolète mais efficace, qui a servi des milliers et des milliers de fois.
Eh oui, pense encore Annamaria, Dieu seul sait combien d’histoires ont enregistrées ces bobines. Combien de cauchemars, combien de souffrances. Combien de remords.
Bientôt elle y ajoutera son lot. Ou peut-être que non. Pas de remords, en tout cas.
Elle n’en exprimera pas, des remords.

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