Faux-semblant
La nuit du 31 décembre 2018, la foule se presse sur la grande place de l'hôtel de ville d'Oslo pour assister au traditionnel feu d'artifice. À minuit, une violente explosion sème la panique. La piste de l'attentat terroriste est aussitôt privilégiée. Parmi les blessés graves, une femme connue de l'inspecteur Blix : Ruth-Kristine Smeplass, dont la fille enlevée dix ans plus tôt à l'âge de dix-huit mois n'a jamais été retrouvée. Intrigué par la coïncidence, Alex Blix reprend obstinément le dossier resté en suspens. De son côté, la journaliste Emma Ramm suit la même piste. Leurs chemins convergent au Danemark, où l'affaire de la petite Patricia connaît un dénouement dramatique et spectaculaire.
Extrait
1er janvier 2019
Au bout du couloir, la lourde porte en métal claqua bruyamment. Le bruit résonna le long des murs de brique.
Christer Storm Isaksen leva les yeux du livre qu'il était en train de lire et tendit l'oreille. De petits pas discrets sur le linoléum. C'était Frankmann. Le seul qui prenne la peine de se déplacer en dehors des heures de ronde, même avec une bonne raison. Les pas s'arrêtèrent devant la cellule d'Isaksen. Un cliquetis de clés précéda un léger coup frappé à la porte.
Isaksen posa son livre.
— Oui ?
Un gond grinça et Frankmann se détacha dans l'embrasure de la porte. Il donnait l'impression d'avoir encore perdu du poids depuis la semaine précédente. Son uniforme flottait sur sa maigre poitrine.
— Bonne année, déclara-t-il en inclinant la tête.
Il tenait une enveloppe blanche dans sa main.
— Bonne année, répondit Isaksen, le saluant de même.
Il voulut lui demander comment s'était passé Noël mais il se ravisa. L'enveloppe l'intriguait.
— Une lettre est arrivée pour vous. J'ai pensé que vous voudriez la voir sans tarder.
Isaksen la lui prit des mains. Ni timbre ni adresse. Seulement son nom, en petites lettres rondes. L'écriture était légèrement penchée et peu soignée, comme si l'auteur avait dû faire vite.
— C'était dans la boîte aux lettres à l'entrée des visiteurs, précisa Frankmann.
Isaksen palpa l'enveloppe. Elle contenait quelque chose de plus épais qu'une feuille de papier, peut-être une carte postale. Il passa le pouce là où aurait dû se trouver le timbre, retourna l'enveloppe. Pas de mention d'expéditeur.
Il ne se rappelait plus quand il avait reçu une lettre manuscrite pour la dernière fois. Il ne recevait même plus de cartes de Noël depuis la mort de sa mère.
Frankmann se tenait toujours sur le seuil, l'air inquisiteur.
— Normalement, on devrait la contrôler d'abord, avec le reste du courrier, dit-il pour expliquer pourquoi il attendait qu'Isaksen l'ouvre. Mais le clebs ne sera pas là avant vendredi, ajouta-t-il, faisant référence au chien renifleur.
Isaksen décolla le rabat de l'enveloppe et écarta les bords du pouce et de l'index pour regarder à l'intérieur.
C'était une photo.
Il la sortit et sa poitrine se contracta aussitôt.
La petite fille de la photo devait avoir huit ou neuf ans. Elle portait un sweat bleu à capuche et ses longs cheveux bruns étaient attachés en queue-de-cheval. Elle était assise à un pupitre d'école, les mains posées sur un livre. Elle n'avait pu cacher son appareil dentaire, la photo capturant le moment précis où elle souriait à l'objectif. Une nuée de taches de rousseur parsemaient son nez. Ses yeux étaient du même bleu glacier que ceux d'Isaksen.
— C'est elle, laissa-t-il échapper.
Frankmann avança d'un pas.
— Qui ? voulut-il savoir.
Isaksen ne répondit pas. Il répéta « C'est elle » à voix basse. Elle, la petite fille dont tout le monde lui avait dit qu'elle était morte.