L'incident d'Helsinki

Auteur : Anna Pitoniak
Editeur : Gallimard

Amanda Cole, agente de la CIA en poste à la léthargique ambassade de Rome, est avertie par un officier du GRU que les Russes vont assassiner au Caire un homme politique américain. Et voilà que, le lendemain, le sénateur Vogel succombe à une crise cardiaque ! Ambitieuse, la jeune femme se saisit de l'affaire après avoir mis la main sur des documents gardés secrets par le défunt. Elle y trouve des informations alarmantes concernant la manipulation de marchés financiers par Moscou. Et surtout, se détachant sur une feuille isolée, le nom de son propre père, lui-même employé par l'Agence. Charlie Cole serait-il une taupe ? Amanda va rapidement devoir choisir entre loyauté envers son pays et loyauté filiale. Une intrigue portée par des femmes qui n'ont pas froid aux yeux, sur fond d'une guerre froide persistante, où l'idéologie est remplacée par la gloire de l'argent.

Traduit de l'anglais (États-Unis) par Jean Esch
21,00 €
Parution : Septembre 2025
432 pages
Collection: Série noire
ISBN : 978-2-0730-7803-2
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Extrait

Ce n'était pas raisonnable de rester dehors sous le soleil brûlant de juillet, à Rome. Semonov faisait les cent pas en s'épongeant le front avec un mouchoir depuis longtemps imbibé de sueur. Il aurait dû imiter les Romains, qui échappent à la fournaise estivale en s'arrêtant chez Giolitti pour manger une glace, en s'offrant une sieste dans une chambre aux volets fermés, ou en quittant carrément la ville pour rejoindre les collines de l'Ombrie où souffle une douce brise. Mais Konstantin Nikolaievich Semonov n'était pas là à supplier qu'on le laisse entrer dans l'ambassade américaine, en répétant qu'il avait d'importantes informations à communiquer, parce que c'était quelqu'un de raisonnable.
Dans sa guérite climatisée, le soldat raccrocha le téléphone.
« Si vous n'avez pas rendez-vous, personne ne peut vous recevoir aujourd'hui.
— Monsieur ! s'exclama Semonov en se penchant vers les petits trous dans la vitre. Vous êtes un marine. C'est au militaire que je m'adresse. Je suis officier dans l'armée de mon pays. Mon pays qui n'est autre que la Russie. » Précision inutile étant donné que dix minutes plus tôt il avait glissé son passeport sous la vitre blindée afin de prouver son identité. « Essayez de comprendre. Je détiens des informations valables aujourd'hui. Pas demain, pas la semaine prochaine. »
Pour être juste envers le soldat, il n'était pas facile de prendre Semonov au sérieux. Les boutons de sa chemise avaient du mal à contenir sa bedaine, des pièces de monnaie tintaient dans ses poches, ses lunettes rondes dévoilaient de grands yeux candides. Toutefois, quand il vit le marine marquer une brève hésitation, son instinct aiguisé lui ordonna de sauter sur l'occasion.
« Je viens de Moscou, confia-t-il à voix basse. Je suis en vacances à Rome, avec ma femme. Impossible de transmettre ces informations depuis Moscou. La nature de mon travail fait que je suis étroitement surveillé. Vous comprenez ? C'est également la nature de mon travail qui m'a permis d'accéder à certaines informations susceptibles, j'en suis sûr, d'intéresser au plus haut point vos fonctionnaires.
— Même si ce que vous dites est vrai, répondit le marine, vous devez quand même prendre rendez-vous. »
Il n'avait pas plus de vingt-quatre ou vingt-cinq ans. Coupe en brosse, rasé de près, affûté comme un crayon bien taillé. Un bon soldat, qui obéissait au règlement. Savoir contourner ce règlement – avoir pitié, par exemple, d'un étranger en nage, affublé d'un accent à couper au couteau – exigeait une expérience qui lui faisait défaut. Semonov comprit alors qu'il allait devoir, à contrecœur, utiliser une tactique plus directe.
Il redressa les épaules et un changement se produisit sur son visage, comme une ombre qui masque le soleil. En regardant le marine droit dans les yeux, il dit : « Mes informations concernent Robert Vogel. »
Un tressaillement sur le front du jeune soldat signala que ce nom avait fait tilt.
« L'avion du sénateur Vogel doit se poser au Caire dans une heure, poursuivit Semonov, du même ton calme. Sa vie est en danger. »

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