Hollywood cantine

Auteur : Olivier Barde-Cabuçon
Editeur : Gallimard

Janvier 1942. L'attaque de Pearl Harbor a traumatisé les Américains et provoqué l'entrée en guerre des États-Unis. À l'initiative de Bette Davis, Bogart et les plus grandes stars de cinéma se réunissent dans une cantine de Hollywood afin de divertir les soldats en permission et soutenir le moral des troupes. Très vite, le lieu est envahi par les starlettes et célébrités en devenir. Pas étonnant que Vicky Mallone, détective privée atypique dont les vedettes s'échangent les coordonnées, se retrouve au milieu de tout ce beau monde pour enquêter sur le meurtre d'une photographe de plateau. D'autant plus que celle-ci était sa cliente, et qu'elle a été retrouvée morte dans le coffre d'une voiture. Meurtre, chantage, trafics de drogue et d'influence, secrets d'alcôves ou militaires : la guerre ne se mène pas qu'au front !

19,00 €
Parution : Mai 2025
416 pages
Collection: Série noire
ISBN : 978-2-0730-9826-9
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Extrait

Quelqu'un a une allumette ? 1
Il y a des jours où on devrait rester peinarde dans son lit. Et je ne vous parle même pas des nuits ! Tous les matins, lorsque je me lève, je me dis que je vais essayer de faire mieux que la veille. Peine perdue ! La vie m'a brisée et depuis je ne fais que tenter de colmater les fissures.
Pourquoi avais-je répondu à cet appel tardif ? Parce qu'il concernait la plus célèbre vierge de Hollywood (au moins sur les écrans de cinéma) ? Va savoir. Va savoir pourquoi tu prends la mauvaise route au mauvais moment. Le destin je n'y crois pas, la poisse, si.
Ce vendredi 16 janvier 1942 n'avait pas été une bonne journée et je ne la terminais pas très bien. Trop picolé. J'arrive à me protéger des autres mais pas de moi-même. Et me voilà en plein désert sur une route noire comme le cul du diable et aussi vide que mon estomac. Je n'avais rien mangé depuis le matin mais j'avais pas mal éclusé. L'alcool m'aidait à ne pas penser. Suivre une ligne droite m'allait bien. Tu ne te poses aucune question, tu avances. Pas de carrefour, pas de choix à faire et à regretter plus tard.
Au milieu d'une vaste étendue aride, le vent soulevait la poussière qui volait devant mes phares dans un ballet féerique. L'averse violente me tomba sur le poil bien avant Victorville. Les essuie-glaces tracèrent de grands sillons sur mon pare-brise sale. Je réussis d'une main à tirer une clope de mon sac et cherchai sans succès mon briquet sans lâcher la route des yeux.
Alors qu'une courbe s'amorçait, la lueur d'un gyrophare m'incita à ralentir et à abandonner mes recherches. Une voiture de police était rangée au bord de la route et un flic corpulent me faisait de grands signes avec une lampe torche. Je m'arrêtai.
— Vous avez une allumette ? fis-je en descendant ma glace.
— Madame, vous ne pouvez pas passer.
Les phares d'un second véhicule m'éblouissaient, tout comme la lampe braquée sur moi. On se serait cru sous les projecteurs d'une grande revue de music-hall.
Je me mis à rouspéter. Il était minuit. Je n'avais pas mangé et je devais rejoindre ma cliente au plus vite dans un diner sur la route, pas très loin de là.
— À minuit ? s'étonna l'agent.
— Ouaip ! Le pays est en guerre !
Depuis le 7 décembre 1941 très exactement. Ce matin-là, les porte-avions de notre flotte du Pacifique étaient de sortie mais tous nos cuirassiers se trouvaient en rade au port de Pearl Harbor dans les îles Hawaï. Les marins étaient encore en pyjama lorsque trois cent cinquante chasseurs, avions torpilleurs et bombardiers japonais leur tombèrent sur le râble sans prévenir.
Ils détruisirent cent soixante-dix-sept avions américains sagement alignés sur les pistes et coulèrent les bateaux dans la baie. On disait les Japs myopes comme des taupes parce qu'ils avaient les yeux bridés. À Pearl Harbor, ils avaient sacrément bien visé !
Le lendemain, l'Amérique s'éveillait, consciente que le sort du monde reposait sur ses épaules. Des éditions spéciales titraient : « Faut fiche en l'air les Japs ! » L'heure n'était plus à la consternation mais à la fureur. Même le Los Angeles Times, connu pour son opposition à Roosevelt jugé trop belliciste, affichait en première page à l'encontre du Japon : « Condamnation à mort d'un chien enragé ».
À partir de là, l'ambiance avait notablement changé dans ce pays. Nous avions face à nous des guerriers sans pitié. Les journaux rappelaient qu'en 37, l'armée japonaise avait pris la ville de Nankin en Chine. Pendant six semaines, elle s'y était livrée à des massacres d'une cruauté inouïe, tuant un quart de million d'hommes, de femmes et d'enfants.
Le Congrès à majorité démocrate vota enfin la guerre contre les forces de l'Axe. Tous les isolationnistes américains et les pronazis fermèrent leur clapet et agitèrent un drapeau américain. On ne parlait plus des Japs qu'en termes orduriers ou animaliers : ces singes, ces rats, ces mouches à merde.

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