Zam-Zam
Onisha, Princesse tikar à la beauté foudroyante, a éconduit un vieux prétendant et s'échappe de son royaume pour un autre. À l'ombre bienveillante d'un Sultan redouté, elle organise des manifestations originales, comme cette foire panafricaine des têtes récalcitrantes. Désigné vainqueur des intransigeants, l'étrange Zam-Zam, au crâne de pierre, éblouit d'abord la Princesse, avant d'être à son tour congédié lors d'une nuit des joutes oratoires et des taloches. Il en perd la raison, mais pas la foi en son destin. Le Royaume de Pamanga est soudain submergé par un mystérieux et dévastateur virus qui tue quiconque sombre dans la tristesse. La panique devient générale, car l'on doit rire en permanence. L'apocalypse se rapproche de la capitale Pamanga, l'épicentre du phénomène, quand éclate un violent incendie dans la forêt sacrée, qui menace de tout emporter. Ce dixième roman d'Eugène Ébodé dans la collection «Continents Noirs» est poétique, drôle, poignant et vertigineux.
Extrait
La ville maudite
La tristesse devient une maladie mortelle – Joies obscènes et rires obèses – Qu’est-ce qu’une malédiction ? – Le Sultan interdit – L’aubergiste raconte – Comment Ambassa devint Zam-Zam le pestiféré – Tous les Africains ne sont pas des frères. Fallait-il le crier sur les toits ?
« La question n’est pas de savoir pourquoi nous nous battons
Elle est de préciser pour qui ! »
Pour qui, naguère prude, Pamanga devint effrontée
Comme piquée par une guêpe mystérieuse.
Dès que tombait la pénombre sur la ville
S’élevaient aussitôt des clameurs voraces
Surgies de gosiers aux féroces appétits.
Les bouches ne s’impatientaient que de mordre
En suivant les pas de frénétiques gourgandines
Aussi fascinants qu’un ballet de derviches tourneurs.
Elles soulevaient les corps de tremblements
Les pliaient à leurs implacables assauts
Et il devint impossible de réfléchir
Quand s’étalaient les contentements
Les invitations à s’y vautrer et se goinfrer.
On dévorait avec férocité.
On batifolait pour rompre les étranglements
On enfouissait le devoir sous le fouet des joies
Se détachant ainsi de ce que la sagesse
Pouvait bien avoir à prescrire ou à interdire.
Pamanga, la ville de tous les noceurs
À quelques verstes du palais du Sultan Bokito
Se détourna petit à petit de ses mises en garde
Fustigeant les antiques ferveurs
Pour se livrer aux plus pressants des vertiges.
Et l’on furibardait contre les amours livresques
Et l’on moquait les retenues
Pulvérisant d’une chiquenaude les penseurs
Suspectés de former la troupe des scrupuleux.
[…]
