Tout est possible

Auteur : Elizabeth Strout
Editeur : Fayard

La petite ville d'Amgash, dans l'Illinois, est en émoi. Lucy Barton, fille de la ville devenue écrivain à succès, exilée à New York depuis de longues années, vient de publier un livre sur sa jeunesse. Le récit de son enfance, pauvre et solitaire, provoque chez les gens d'Amgash des réminiscences, des questions et des révélations.
Un jour, Lucy Barton en personne fait irruption à Amgash après dix-sept ans d'absence. Les retrouvailles de Lucy avec les siens sont l'occasion d'instants âpres, mais beaux comme si la douleur de la fuite et la rancoeur s'étaient dissipées en un instant.

Dans Tout est possible, Elizabeth Strout renoue avec les personnages de son précédent roman,  Je m'appelle Lucy Barton, pour explorer la complexité du lien à l'Autre. Animées par le livre et la visite exutoires de Lucy, des personnes qui l'ont connue se trouvent forcées à dire, ou parviennent enfin à dire, les secrets qui les écrasent depuis longtemps. Une chance offerte de comprendre les choses et les êtres, à défaut de pouvoir tout recommencer.

Traduit de l'anglais (États-Unis) par Pierre Brévignon
19,00 €
Parution : Octobre 2018
304 pages
ISBN : 978-2-2137-0136-3
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Extrait

L’écriteau

Autrefois, Tommy Guptill possédait une laiterie qu’il avait héritée de son père, située à trois kilomètres d’Amgash, une petite ville de l’Illinois. Cela remontait à plusieurs années, mais, aujourd’hui encore, il lui arrivait d’être réveillé par cette peur éprouvée la nuit où un incendie l’avait réduite en cendres. La maison aussi avait été détruite ; le vent avait soufflé des braises dans sa direction depuis les étables voisines. Tommy en avait toujours été convaincu : la faute lui incombait. Ce soir-là, il avait oublié de vérifier que les trayeuses étaient bien débranchées. Or, c’était d’elles que le feu était parti. Une fois l’incendie déclaré, la furie des flammes avait tout ravagé. Et ils avaient tout perdu, hormis le cadre en cuivre du miroir du salon qu’il avait retrouvé le lendemain dans les décombres. Il l’avait laissé là. Une collecte avait été organisée. Pendant plusieurs semaines, ses enfants étaient allés à l’école habillés des vêtements de leurs petits camarades, le temps qu’il se remette d’aplomb et réunisse ses maigres économies. Il avait vendu ses terres au fermier voisin, mais ça ne lui avait pas rapporté grand-chose. Après quoi lui et Shirley, sa ravissante petite femme, avaient pu s’acheter de nouveaux vêtements ainsi qu’une nouvelle maison. Tout au long de cette épreuve, Shirley avait accompli des miracles pour le soutenir moralement. Ils n’avaient pas eu d’autre choix que de s’installer à Amgash, une ville défavorisée où leurs enfants seraient désormais scolarisés, puisqu’ils ne pouvaient plus aller à Carlisle, comme c’était encore possible quand ils habitaient dans leur ferme à mi-chemin entre les deux villes. Tommy s’était fait embaucher comme gardien de l’école d’Amgash. Une place stable, ce qui n’était pas pour lui déplaire. De toute façon, il aurait été incapable de travailler sur l’exploitation d’un autre fermier. Pas le cœur à ça. Il avait trente-cinq ans à l’époque.
Les enfants étaient grands à présent, leurs propres enfants aussi, et Tommy et sa femme vivaient toujours dans leur petite maison, entourée de fleurs plantées par Shirley – un détail inhabituel dans cette ville. Après l’incendie, Tommy s’était beaucoup inquiété pour les enfants : ils étaient passés du stade où leur maison était une destination de sortie scolaire – chaque année, au printemps, les élèves de primaire de Carlisle venaient y passer une journée entière, pique-niquant sur les tables en bois, puis se précipitant dans les étables pour observer la traite des vaches, la substance blanche mousseuse qui s’écoulait dans les tuyaux en plastique – à celui où, chaque fois qu’un de leurs camarades vomissait dans les couloirs de l’école, c’était leur père en pantalon gris et chemise blanche portant son prénom brodé en rouge, Tommy, qui venait saupoudrer la flaque de « poudre magique » avant de passer la serpillière.
Bah. Ils avaient survécu à tout ça.

Informations sur le livre